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fiche de synthèse : 3ème ligne, 1ère colonne
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L'idée :       (vaut pour les 4 étapes de la 3ème ligne du tableau) 
Lorsqu'un fluide est soumis à des différences de vitesse internes trop importantes pour qu'un seul tourbillon en spirale parvienne à les résorber, de tels tourbillons se créent alors les uns après les autres, un nouveau amorçant son noyau bien compact dès que la queue du précédent devient trop lâche. Si l'on augmente encore l'énergie de la dynamique imposée au fluide, ces tourbillons s'adapteront pour être de plus en plus efficaces et pour fonctionner à des vitesses toujours accrues :
- d'abord, les tourbillons vont s'arrondir et s'isoler pour tourner plus commodément sur eux-mêmes,
- ensuite, ils vont s'apparier deux à deux pour former ainsi, ensemble, un couple de tourbillons ayant même sens de rotation,
- enfin, des tourbillons de plus grande échelle vont se former, qui engloberont en eux des tourbillons tournant en sens inverse, créant alors un véritable emboîtement hiérarchique de tourbillons les uns dans les autres.
 
L'idée est que dans certaines circonstances historiques, le même type d'évolution peut s'observer dans les relations humaines : pour ne pas être pas déstabilisée par les différences de richesse et de pouvoir de plus en plus grandes entre ses différents membres, la société doit s'organiser en groupes et en ensembles de plus en plus scindés, de plus en plus refermés sur eux-même, puis de plus en plus emboîtés hiérarchiquement les uns dans les autres. 
L'histoire de l'art garde la trace de cette évolution, car chaque étape de cette évolution repose sur une situation contradictoire (paradoxale) qui est l'enjeu principal que l'artiste s'efforce de saisir à travers son art : afin de se comprendre lui-même, et afin de comprendre sa place dans la société et par rapport à l'ensemble de l'univers.
 
Les 4 étapes de l'organisation de plus en plus efficace (rapide) du transport d'un fluide par le moyen de ses tourbillons :
0
1
2
3
Des tourbillons en spirales se forment l'un derrière l'autre, au fur et à mesure que chacun échoue à s'agrandir
Pour plus d'efficacité les tourbillons tournent maintenant en rond sur eux-mêmes. Entre ces noyaux, le fluide circule de façon non structurée
Les tourbillons qui le peuvent se rapprochent l'un de l'autre, puis ils s'apparient en paires de tourbillons tournant dans le même sens
Des frontières génèrent, sans les refermer totalement, les enveloppes de tourbillons de grande échelle qui englobent en eux de plus petits tourbillons qui tournent en sens inverses l'un de l'autre
 
Le phénomène physique caractéristique de la 1ère étape de cette évolution :
La situation qui précède cette étape est celle d'un fluide qui connaît des différences de vitesses internes telles qu'il a déjà dû se déliter en couches laminaires aux vitesses différentes, puis enrouler ces couches en spirale pour mieux gérer en tous sens ce gradient de vitesses.
La nouvelle étape correspond au moment où le gradient des vitesses devient trop grand pour que la forme en spirale parvienne à conserver des écarts de vitesses acceptables dans toutes les configurations du fluide. À son point le plus faible la spirale se rompt alors, ce qui donne l'occasion pour une nouvelle spirale de démarrer en sens inverse afin de résorber au plus vite la béance laissée par la précédente. À son tour cette nouvelle spirale échoue, et se crée ainsi une bande de spirales alternées que les physiciens dénomment "allée tourbillonnaire de von Karman".
Cette chaîne de tourbillons spiralants nous sert de point de départ, pour analyser comment évolue la situation au fur et à mesure qu'augmente l'énergie de la dynamique que doivent encaisser et transmettre les tourbillons.
allée tourbillonnaire de von Karman en avant d'un cylindre
[d'après un cliché S. Taneda, Université de Kyushu (tiré de M. Van Dyke- 1982)
extrait de "La Turbulence" de Marcel Lesieur aux Presses Universitaires de Grenoble]

Quel est le remarquable de cette situation ? :
Lors des quatre étapes précédentes, nous nous sommes attachés à comprendre comment se régulaient les différences de vitesses entre les diverses molécules du fluide, et pour cette raison nous avions dit que ces quatre étapes relevaient toutes d'un fonctionnement "en classement". La notion de rangement progressif, celle de rangement par couches, et les diverses combinaisons possibles entre ces deux types de rangement, nous avaient alors suffi pour décrire ce qui se passait de caractéristique à chacune des 4 étapes de cette série.
Désormais la forme prise par l'arrangement des couches laminaires devient trop complexe pour être décrite utilement, et désormais c'est sur la forme d'ensemble des tourbillons et sur la façon dont ils s'organisent entre eux que nous nous concentrerons : forment-ils des structures permanentes ou des structures fluctuantes ? des structures isolées l'une de l'autre ou des structures groupées dans des structures de plus grande échelle ? des structures indépendantes ou des structures interdépendantes ? Et puisque nous nous intéresserons à l'organisation des tourbillons entre eux, tout naturellement nous dirons que cet ensemble de quatre étapes fonctionne "en organisation", comme la précédente fonctionnait "en classement", et comme la première avait un fonctionnement "de type ponctuel".
Le nom donné au paradoxe qui caractérise cette situation :   continu / coupé
Pourquoi ? : Dans une allée de von Karman la dynamique de chaque spirale tourbillonnante est bien séparée de la dynamique de ses voisines puisqu'elles tournent exactement à l'envers l'une de l'autre : nous avons donc affaire à des organisations qui sont coupées l'une de l'autre. Mais en même temps elles vivent en bande, et la bande qu'elles forment fonctionne en organisation d'ensemble continue. Donc les spirales sont, à ce stade, des dynamiques coupées l'une de l'autre mais qui forment ensemble une dynamique continue. Voilà comment donc on peut résumer l'organisation du fluide : elle est  "continue / coupée".
 
 
 

Dans certaines situations, le fonctionnement de la société humaine présente des analogies avec celui de ce phénomène physique. Cela peut se lire dans l'art, car les artistes se sont alors efforcé de mettre à nu les relations paradoxales qu'il implique entre chaque individu et le reste de sa société : le corps social se ressent totalement solidaire dans son ensemble, tout en ressentant clairement que des groupes aux intérêts divergents le déchirent et le tirent en sens contraires.
 
Comment ce paradoxe  "continu / coupé" se manifeste dans les arts visuels et dans l'architecture :
Expression analytique (ses 2 aspects incompatibles sont séparés dans notre perception) :
Notre perception est tour à tour portée sur des lignes, des surfaces ou des espaces parfaitement et spectaculairement continus, puis sur des éléments qui se présentent au contraire comme des ruptures, des coupures ou des tranches spécialement saillantes.
dans le terminal de la TWA de Eero Saarinen, la surface est partout lisse et bien continue d'un endroit à l'autre,
mais elle est aussi remplie de découpes et d'entailles, et elle montre avec insistance ses multiples tranches
 en particulier la tranche principale de la coque se lit comme un trait continu,
tout en étant profondément coupée en deux parties séparées

Expression synthétique (ses 2 aspects incompatibles sont inséparables dans notre perception) :
Il nous est fortement suggéré de lire la continuité d'une forme, alors même que cette lecture est entravée par une coupure, coupure qui est d'autant plus forte qu'est intense notre déception à lire la continuité suggérée.
Ou bien c'est un mur qui coupe notre vue, et qui dans le même temps nous introduit dans la continuité fluide de l'espace.

dans le terminal de la TWA de Eero Saarinen, nous sommes entraînés à percevoir en continuité le sol où l'on se tient et le dessus de la coque,
                  mais un rebroussement du bord du toit coupe notre continuité avec le dessus du bâtiment
dans l'architecture de Mies Van der Rohe, souvent un cloisonnement nous bloque la vue tout en conduisant plus loin notre regard :
                           il coupe donc l'espace tout en accentuant sa continuité

L'exemple caractéristique d'architecture à garder à l'esprit pour se souvenir du paradoxe continu / coupé :
Eero Saarinen - le terminal de la TWA à l'aéroport international de New York Idlewild
 
 

Comment ce paradoxe continu  / coupé se manifeste dans la musique :
Effet analytique (qui s'entend par l'évolution au fur et à mesure que le temps passe) :
Sans s'interrompre par un silence ou par un effet particulier (elle reste donc bien continue), la musique avance par étapes bien marquées, par exemple par une modification brutale dans la hauteur du son, ou par une modification de la syllabe prononcée par le chanteur et sur laquelle il s'éternise entre chaque changement.

Effet synthétique (qui s'entend à chaque instant) :
La musique se décompose en deux fils, l'un restant obstinément continu sur une même note, tandis que l'autre fait sans arrêt des contorsions sur lui-même.
Ce second fil musical peut aussi couper et recouper le premier.

 

Pour davantage de développements sur ce fonctionnement paradoxal qui combine en permanence coupure et continuité :
- dans les phénomènes physiques et dans l'évolution de la société occidentale
- en architecture (seconde phase de l'art moderne  - 1ère moitié du XXème siècle)
        Eero Saarinen - terminal de la TWA à l'aéroport international de New York Idlewild
        Mies Van der Rohe - la Villa Tugendhat à Berlin
- en musique :
      dans le style de Saint-Martial (début du XIIème siècle)

Pour des exemples d'arts plastiques et d'architectures où ce paradoxe se combine avec d'autres :
avec 3 autres paradoxes associés à égalité, relativement bien séparés sur des formes distinctes (fonctionnement en point) :
- dans la Vénus de Lespugue (environ 21 000 ans avant JC), il est le 4ème paradoxe analysé
- dans des gravures sur roc du Val Camonica en Italie (environ 4 000 avant JC), il passe au 3ème rang
avec 3 autres paradoxes associés à égalité, relativement mélangés sur les mêmes formes (fonctionnement en classement) :
- dans des gravures sur roc à Bohuslän en Scandinavie (environ 1 000 avant JC), il est toujours au 3ème rang
- dans le Parthénon d'Athènes en Grèce (5ème siècle avant JC), il piétine toujours au 3ème rang
- dans l'art gothique classique (fin du 12ème et début du 13ème siècle), il passe enfin en seconde position
quand l'un des paradoxes est dominant ( fonctionnement en organisation) :
- dans le "Portrait de Baudelaire" de Matisse (1932), il est l'un des paradoxes de transformation secondaires
- dans la "Colonne sans fin" de Brancusi (vers 1938), il est aussi l'un des paradoxes de transformation secondaires
- dans "Les promenades d'Euclide" de Magritte (1955), il est l'un des paradoxes de transformation secondaires, et il est aussi l'un des paradoxes d'état au service du "synchronisé / incommensurable"
- dans la Cathédrale de Brasilia de Niemeyer (1959-1970), même chose que pour Magritte ci-dessus
- dans la "Vénus des Arts" du sculpteur Arman, il est au service du paradoxe "lié / indépendant"

dernière mise à jour de cette fiche : 21 août 2007

 

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