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les quatre paradoxes d'état
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les paradoxes de transformation - 2ème partie

ouvrir le tableau de l'évolution des arts plastiques dans une autre fenêtre
ouvrir le tableau des 16 paradoxes dans une autre fenêtre que celle du tableau de l'évolution
ce texte en version pdf complétée par des croquis
les 2 parties de ce texte en version pdf réunies à la suite l'une de l'autre



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le tableau général de l'évolution des arts plastiques

les paradoxes de transformation
(1ère partie)












Dans le texte précédent, on a envisagé la façon dont évoluent, dans le tableau général de l'histoire de l'art, les quatre paradoxes d'état qui se combinent dans toute oeuvre d'art.
Cette combinaison des quatre n'épuise pas les effets que l'on trouve dans une oeuvre, et bien souvent même l'effet le plus fort est donné par une seconde combinaison de paradoxes qui toujours interviennent simultanément aux quatre premiers.
Ces paradoxes sont plus délicats à comprendre.
Pendant longtemps, j'ai tout simplement ignoré qu'ils existaient, puis j'ai peiné à comprendre lesquels ils étaient et comment ils évoluaient, puis pour finir j'ai peiné à comprendre quelle était leur relation exacte avec les paradoxes d'état. Ainsi, longtemps j'ai cru qu'ils étaient des sortes de "super-paradoxes" coiffant les quatre paradoxes d'état, avant de comprendre enfin que, plus simplement, ils montraient la même chose qu'eux mais sous un autre angle d'approche afin de révéler d'autres aspects de la complexité.
Car, en effet, ces paradoxes de transformation sont spécialisés pour rendre compte de la façon dont se prépare, dans une étape donnée, l'étape suivante qui lui succédera, et pour rappeler en même temps tout ce qui nous relie encore à l'étape précédente.
 
 
Les êtres humains sont doués de mémoire et ils sont capables d'anticiper l'avenir. Pour cette raison leurs rapports ne sont pas complètement décrits par leurs rapports réels : le souvenir des époques passées et ce qui peut advenir si l'équilibre actuel est remis en cause ont leur importance aussi, et influent même considérablement sur les rapports réels. Que l'avenir envisagé soit par exemple les lendemains qui chantent ou le désordre, on voit bien ce qu'il implique pour le présent : l'organisation du changement, ou l'organisation de butoirs pour éviter ce changement. Que le passé nous évoque avec nostalgie le "bon vieux temps" ou qu'il nous rappelle des moments spécialement douloureux ("plus jamais ça !"), on comprend aussi que tout ce qui peut ramener vers une situation équivalente sera, selon les cas, encouragé ou à l'origine de garde-fous conditionnant fortement le présent.
L'idée que l'on se fait du passé de la société et l'idée que l'on se fait de son avenir sont donc des composantes essentielles de son présent, et ce qui compte de ce point de vue n'est pas le passé sous tous ses aspects réels mais la recomposition fantasmée et hautement sélective que l'on s'en fait, et ce n'est pas non plus l'avenir tel qu'il adviendra réellement mais l'idée que l'on s'en fait et qui peut être très différente de ce que l'avenir révélera vraiment.


 

Les paradoxes de transformation n'évoluent pas de la même façon que les paradoxes d'état

La difficulté que j'ai eue pour comprendre les paradoxes de transformation, tient en bonne partie au fait qu'ils évoluent de façon moins brutale que les paradoxes d'état.
Pour ce qui concerne les quatre paradoxes d'état, on a vu qu'ils se renouvellent tous à chaque pas de la complexité, sauf dans le cas des interphases où disparaît le premier et apparaît un nouveau dernier. En analysant l'histoire de l'art, il m'a été relativement facile, pour cette raison, de repérer la succession des étapes, et de comprendre quels paradoxes étaient associés à telle ou telle étape.
Dans le cas des paradoxes de transformation, la transition d'une étape à l'autre est beaucoup plus graduelle, car les paradoxes se transforment en suivant les lignes du tableau des 16 paradoxes et non en descendant ses colonnes. Dans les cas les plus complexes, dans l'une des phases du cycle du noeud (étapes D0-32 à D-40), on trouve ainsi trois paradoxes sur quatre qui se retrouvent inchangés à deux étapes successives. Du fait de ce renouvellement seulement progressif des paradoxes de transformation, il est inévitablement plus difficile de repérer les changements qu'ils imposent au style artistique entre deux étapes que les changements brutaux que leur imposent les paradoxes d'état qui, eux, se renouvellement complètement à chacune des étapes.

Autre source de difficulté : tous les paradoxes de transformation ne se renouvellent pas de la même façon, ni au même rythme.
Dans les paradoxes d'état, sauf à l'interphase, on a vu que chaque étape prend d'un coup quatre paradoxes qui se suivent tous dans le tableau des 16 paradoxes. Même à l'interphase le mouvement est d'ensemble et cohérent : on décale tout d'une colonne.
Les paradoxes de transformation eux, se composent de deux parties qui n'évoluent pas de la même façon.
Comme il est malaisé de comprendre cette évolution, il apparaît souhaitable de d'abord décrire comment elle se fait, puis, ensuite seulement, d'expliquer pour quelles raisons il en va ainsi.
 
 
 

La première partie des paradoxes de transformation

La première partie comprend l'ensemble des paradoxes de transformation sauf le dernier.
Cette première partie possède un nombre variable de paradoxes :
    - pendant tout le cycle du point des paradoxes de transformation (qui correspond à la dernière phase du cycle du noeud des paradoxes d'état, soit des étapes D0-41 à A1-10), il n'y a qu'un seul paradoxe par étape pour remplir cette première partie.
[nota : par soucis de simplification, les étapes des paradoxes de transformation se repèrent avec les mêmes numéros que ceux utilisés pour les paradoxes d'état]
    - pendant le cycle du classement des paradoxes de transformation (qui correspond au cycle du point et à la première phase du cycle du classement des paradoxes d'état, soit des étapes A1-11 ou A0-11 à B0- 20), il n'y a encore qu'un seul paradoxe par étape dans cette première partie.
    - pendant le cycle de l'organisation des paradoxes de transformation (qui correspond à la dernière phase du cycle du classement et aux deux premières phases du cycle de l'organisation des paradoxes d'état, soit des étapes B0-21 à C0-30), cette partie s'enrichit d'un second paradoxe.
    - enfin, pendant le cycle du noeud des paradoxes de transformation (qui correspond à la dernière phase du cycle de l'organisation et aux trois premières phases du cycle du noeud des paradoxes d'état, soit des étapes C0-31 à D0-40), cette partie s'enrichit d'un nouveau paradoxe supplémentaire, ce qui porte alors à trois le nombre de ses paradoxes.

Donc, la première partie des paradoxes de transformation s'accroît d'un paradoxe supplémentaire à partir du cycle de l'organisation, puis d'un autre encore à partir du cycle du noeud.
Voyons maintenant comment elle évolue.
Cette évolution est en rapport avec l'évolution des cycles des paradoxes d'état : chaque fois que commence un cycle des paradoxes d'état (A0-11, B0-11, C0-11, D0-11, A1-11) le premier paradoxe de transformation est le premier paradoxe du tableau des 16 paradoxes : le "centre / à la périphérie". En quelque sorte, on repart alors à zéro.
Aux étapes suivantes, ce paradoxe se transforme en devenant celui situé juste à sa droite dans le tableau des 16 paradoxes, et quand une ligne du tableau est terminée on passe au début de la ligne suivante.
Il existe des cas particuliers où l'on stagne deux étapes de suite sur le même premier paradoxe : à l'étape qui succède à un intercycle. Ce piétinement n'implique pas cependant que la complexité n'évolue pas à cette étape, puisque c'est à la même étape que commence à apparaître un paradoxe supplémentaire. En somme, la complexité "se contente" d'ajouter un nouveau paradoxe à la suite du premier, sans simultanément modifier celui-ci.
Ainsi, à l'étape B0-20 la première partie des paradoxes ne comporte que le paradoxe "ça se suit / sans se suivre". À l'étape B0-21 suivante, on retrouve le paradoxe "ça se suit / sans se suivre", mais il est maintenant accompagné du paradoxe à sa droite dans le tableau des 16 paradoxes : "homogène / hétérogène". À l'étape suivante, les deux paradoxes de la première partie se décalent d'un cran, et ce même principe de décalage se poursuit jusqu'à l'interphase suivante.
 
 
 

La seconde partie des paradoxes de transformation

La seconde partie ne comprend systématiquement qu'un seul paradoxe, et le remarquable est que ce paradoxe est toujours de la ligne du tableau des 16 paradoxes qui correspond au cycle en cours.
Ainsi, dans le cycle du point on n'y trouve que des paradoxes de la première ligne du tableau des 16 paradoxes, dans le cycle du classement que des paradoxes de la seconde ligne, celle du classement, etc.
À chaque étape, le paradoxe se décale d'un cran vers la droite dans le tableau des 16 paradoxes, et quand le cycle comporte plus de quatre étapes, on recommence en début de la même ligne au lieu de passer à la ligne suivante comme c'était le cas pour les paradoxes de la première partie.
Ainsi, dans le cycle de l'organisation, les étapes B0-21, B-25 et C0-21 ont pour seconde partie des paradoxes de transformation le paradoxe "intérieur / extérieur". Dans le tableau des 16 paradoxes, ce paradoxe termine la troisième ligne. Aux étapes suivantes (B0-22, C0-11 et C0-22), on ne passe pas au premier paradoxe de la ligne suivante du tableau des 16 paradoxes (le un / multiple), mais on revient chaque fois au premier paradoxe de sa troisième ligne, le "continu / coupé", afin de rester avec un paradoxe de la ligne qui correspond au cycle de l'organisation dans le tableau des 16 paradoxes.

Également à remarquer : à la première étape d'un cycle on ne commence pas avec le premier paradoxe de la ligne concernée, mais on commence avec le dernier. Le premier paradoxe de l'organisation par exemple, ne vient que lors de la deuxième étape du cycle de l'organisation (étape B0-22).

Dernière remarque : après chaque interphase, qui correspond à l'intercycle des paradoxes d'état où ceux-ci se répètent deux étapes de suite, le paradoxe de cette seconde partie se répète lui aussi deux étapes de suite. Ainsi par exemple, en C0-11 et en C0-12, on trouve deux fois de suite le "continu / coupé".
 
 
 

Sur l'évolution d'ensemble

L'évolution que l'on vient de décrire pour les deux parties des paradoxes de transformation, implique que la combinaison de ces paradoxes soit identique à l'interphase et à l'intercycle d'un même cycle : ainsi, par exemple, les paradoxes de la ligne B0-25 sont absolument identiques à ceux de la ligne C0-30, aussi bien pour ce qui concerne la première partie que pour ce qui concerne la seconde.

Pour les paradoxes de la première partie, et pour ce qui concerne le cycle du point, par exception le premier paradoxe ne reprend pas celui de l'étape précédente mais il continue sans redite : après le "un / multiple" (étape D0-40), ce cycle démarre avec le "regroupement réussi / raté" (étape D0-41). C'est d'ailleurs simultanément que se fait la perte des deux autres paradoxes, ce qui amène la première partie à ne plus contenir qu'un seul paradoxe.
En évitant le redoublement qui caractérise le démarrage de tous les autres cycles, la seule et unique phase du cycle du point se retrouve avec une étape de moins que les dernières phases des autres cycles. On peut considérer que, dans les faits, c'est l'étape d'interphase qui saute, puisqu'elle est sans objet pour ce cycle d'une seule phase.
Fait remarquable, ce raccourcissement permet aux intercycles suivants des deux filières de paradoxes de se superposer exactement : l'intercycle qui clôt le cycle du point des paradoxes de transformation coïncide avec l'intercycle qui clôt le cycle du noeud des paradoxes d'état (étape A1-10 ou A0-10). Dans d'autres textes, on a expliqué [revoir   dans une autre fenêtre] comment les noeuds qui terminent un grand cycle de complexité sont les points durs sur lesquels commence à se construire le grand cycle de complexité suivant. On trouve ici une nouvelle approche de ce principe : que l'on noue un cycle de complexité ou que l'on démarre le suivant, cela revient à la même chose, et la différence n'est finalement qu'une différence dans le choix de point de vue. Si l'on regarde l'état réel de la complexité (paradoxes d'état), on en est à la boucler par un grand noeud final, et si l'on regarde du point de vue de ce que cela implique pour l'avenir (paradoxes de transformation), on en est déjà à démarrer le grand cycle suivant de complexité.


 

Les paradoxes d'état sont en deçà de ce qui se passe réellement

Nous venons de décrire le mode d'évolution des paradoxes de transformation, et il reste à comprendre la logique qui sous-tend cette façon d'évoluer.
Pour cela, il nous faut d'abord revenir sur l'évolution de l'autre combinaison de paradoxes, celle des paradoxes d'état. Un des points essentiels à saisir est en effet que ce qui se passe à une étape donnée dans la combinaison des paradoxes d'état se trouve être un cran en deçà, voir une étape en retard, sur ce qui se passe dans la combinaison des paradoxes de transformation.

Pour comprendre la raison de ce décalage, il faut garder à l'esprit que ces paradoxes décrivent la relation qu'entretient chaque être humain avec sa société, et que l'artiste qui use de ces effets paradoxaux est lui-même pris dans cette relation, qu'il est lui-même englué à l'intérieur de ces relations.
Faisons une analogie : pour décrire sa relation avec l'eau dans laquelle il est immergé, un poisson est spécialement mal placé. Quelqu'un qui, depuis la berge, voit le poisson et l'eau, peut beaucoup plus aisément décrire cette relation, noter séparément le courant qui entraîne l'eau et le déplacement du poisson par rapport aux berges, puis confronter ces deux observations pour en déduire la façon dont le poisson se déplace par rapport au courant et à quelle vitesse.
Le poisson lui, même s'il se repère par rapport aux points fixes de la berge, peut être trompé par le mouvement relatif de l'eau par rapport à la berge, mouvement qu'il peut très difficilement évaluer.
L'artiste qui cherche à saisir son rapport au monde par le moyen d'une oeuvre d'art, est handicapé comme le poisson qui cherche à saisir sa propre relation avec l'eau qui l'entoure. Pour parvenir à repérer la relation de la partie au tout dans cette situation où il est lui-même partie, il doit trouver le moyen de prendre du recul afin de se mettre dans une position où il ne sera plus dans cette position de partie, une position où il se verra comme depuis l'extérieur de lui-même.
Pour cela, il peut s'imaginer qu'il est comme le passant sur la rive qui observe l'eau et le poisson, afin de reconstituer ainsi ce qu'il verrait depuis ce point de vue, et c'est en gros à cette position-là que correspond dans l'art la combinaison des paradoxes d'état : on prend du recul pour voir "comme de l'extérieur" à la situation réelle que l'on cherche à analyser, et l'on décrit "l'état" de ce que l'on perçoit ainsi.
Mais comment peut-on prendre du recul à l'aide des paradoxes d'état ?

Pratiquement, voir sa société "comme de l'extérieur" quand on ne peut pas réellement se mettre en position extérieure à elle, cela veut dire, dans l'art : la voir un cran en dessous. On a dit que chaque cran de complexité intègre le cran précédent et intensifie ses contradictions internes : faute de pouvoir saisir pleinement les contradictions où l'on est pris, du fait précisément que l'on est pris dedans, on peut donc les saisir sous l'aspect moins virulent d'un état de complexité inférieur.
Il existe deux façons de reculer sur un niveau de complexité plus faible :
     - soit l'on recule d'une ligne vers le haut dans le tableau des 16 paradoxes, puisque chaque ligne de ce tableau correspond à un cycle plus évolué que le précédent ;
     - soit l'on recule d'une colonne vers la gauche, puisque chaque colonne y correspond aussi à un cran de complexité plus élevé que la précédente.
Mais le recul que donne un cran de colonne n'est pas identique à celui que donne un cran de ligne : il est moins fort puisqu'il faut quatre crans de colonne pour faire une ligne.
En fait, selon les moments où l'on se trouve dans le cycle, parfois le recul d'un cran-colonne sera suffisant, et parfois il faudra reculer d'une ligne entière.
 

Commençons par ce dernier cas, celui d'un recul d'une ligne :
Il concerne toutes les étapes d'un cycle à partir de son interphase, celle-ci comprise. En reculant d'une ligne, on se retrouve tout simplement à l'étape de complexité précédente des paradoxes d'état, puisque comme on l'a vu [revoir   dans une autre fenêtre] leur mode d'avancement est précisément de descendre à chaque nouvelle étape tous les paradoxes sur la ligne suivante sans les changer de colonne.
En opérant de la sorte, on sort bien des contradictions réelles dans lesquelles on est pris, puisqu'on renonce à les comprendre et qu'on se contente des contradictions de l'étape précédente dans laquelle, par définition, on n'est pas. Puisque ce cran précédent est dépassé, cela implique qu'il a été digéré, maîtrisé par notre société : non seulement nous sommes sortis du stade de la complexité réel de notre société, mais nous observons donc son stade précédent depuis un point de vue dominant, nous le regardons de haut et en perspective.
Nous prenons du recul, mais n'oublions pas qu'en procédant ainsi nous perdons de l'information : une partie de ce qui réellement se passe nous échappe, car ce qui réellement se passe est plus "pointu" que ce que l'on perçoit.
 

Maintenant le recul d'une colonne :
La seconde façon de reculer d'un cran en deçà du niveau de complexité réel de notre société est donc de reculer tous les paradoxes d'une case vers la gauche. On trouvera cela à toutes les étapes d'un cycle qui précèdent son interphase.
On se souvient [revoir   dans une autre fenêtre] que l'interphase est précisément la seule étape d'un cycle dont le nouveau cran de complexité qui lui correspond est obtenu par le décalage des colonnes, au lieu du décalage par ligne de toutes les autres étapes. Ce mode d'avancement à l'interphase confirme que le décalage par colonnes peut lui aussi correspondre à un cran de complexité pour une combinaison de paradoxes d'état.
En reculant ainsi, on ne recule pas sur une étape qui s'est réellement présentée comme c'est le cas avec le recul d'une ligne, mais on recule individuellement chacun des quatre paradoxes de la combinaison sur son cran de complexité inférieur. En quelque sorte, au lieu de regarder globalement notre situation réelle depuis la situation précédente, on regarde séparément un cran en dessous ce qu'il en est de notre dimension de filiation [revoir les notions de dimension   dans une autre fenêtre], ce qu'il en est de notre dimension d'altruisme, ce qu'il en est de notre dimension d'égoïsme, et enfin ce qu'il en est de notre dimension de la loi.

Il importait de signaler ces deux façons différentes de reculer d'un cran de complexité, mais elles n'auront vraiment de l'importance que lorsque l'on comparera le tableau de la musique et celui des arts plastiques, et nous reviendrons alors sur cette question [aller à ce développement   dans une autre fenêtre].
Pour l'instant, tout ce qu'il importe de savoir, c'est que les paradoxes d'état sont toujours un cran en deçà de ce qui se trame réellement dans la société.
 
 
 

Les paradoxes d'état sont aussi en retard par rapport aux paradoxes de transformation

Donc, la combinaison des quatre paradoxes d'état est toujours un cran en deçà ce qui se passe réellement dans la société.
Les renseignements que les paradoxes d'état nous permettent de saisir sont par conséquent imparfaits, incomplets, et, pour reconstituer ce qui réellement nous arrive, il est utile de leur ajouter la compréhension de la façon dont cela se transforme en nous.
Pour le comprendre, revenons à l'analogie du poisson. Non seulement le poisson peut sortir de lui-même imaginairement, mais il peut aussi comprendre ce qui se passe en ressentant le frottement de son corps avec  l'eau qui l'environne : est-ce que l'eau le frôle vite ou lentement ? Est-ce qu'elle semble couler à la même vitesse sur son côté gauche et sur son côté droit ? Surtout, il peut mémoriser ce qui se passe à un moment donné entre lui et l'eau, et chercher à saisir comment ce qui se passe évolue dans le temps. Grâce aux conclusions qu'il peut tirer de cette évolution dans le temps, il peut compléter sa compréhension de la scène globale : est-il pris dans un tourbillon ? Glisse-t-il dans une eau calme au débit régulier ? Etc.
C'est naturellement la combinaison des paradoxes de transformation qui peut donner ce type de renseignements, puisqu'elle est spécialisée pour rendre compte de la tendance à la transformation dans le temps. Or, cette fois, inutile de prendre du recul par rapport à ce qui se passe réellement  dans la société, car on ne cherche pas ici à voir dans l'espace la scène entière où l'on est pris, mais à comprendre comment cela se transforme en nous à tout instant du temps qui passe, et l'on peut, sans impossibilité radicale, suivre ce qui se passe au moment même où cela se passe.

En conséquence, les paradoxes de transformation rendent compte de l'évolution de la complexité en nous telle qu'elle se produit réellement dans la société, alors que les paradoxes d'état en rendent compte en lui faisant perdre un cran de virulence.
D'où le décalage que l'on a indiqué au début du chapitre précédent : ce que décrivent les paradoxes d'état est toujours un cran de complexité en deçà de ce que décrivent les paradoxes de transformation. Conformément aux développements du chapitre précédent, on peut également ajouter qu'à partir de l'interphase ce cran se manifeste par une étape exactement de retard. Dans un chapitre ultérieur [aller à ce développement   dans une autre fenêtre] on aura l'occasion d'observer très clairement ce décalage d'une étape entre ce que montrent les paradoxes d'état et ce que montrent les paradoxes de transformation.
 
 
 

Le fonctionnement des paradoxes de transformation est un cran en retard

Comme toujours, on n'a rien sans rien.
On vient de voir que les paradoxes de transformation rendent compte de l'état réel de l'évolution de la complexité de la société, mais eux aussi obligent d'une certaine façon à prendre du recul. Comme pour les paradoxes d'état, cela se manifeste par le renoncement à comprendre ce qui se passe de la façon la plus affûtée possible, et par le recul d'un cran. Mais le recul cette fois ne concerne pas la combinaison des paradoxes : il concerne le fonctionnement de leur interférence.
Quand on a analysé la façon dont se combinent les paradoxes d'état dans une oeuvre d'art [revoir   dans une autre fenêtre], on a indiqué par exemple que, dans le cycle du classement, nécessairement ils fonctionnaient en point puisque les propriétés du classement ne pouvaient être pleinement obtenues qu'à la fin de ce cycle. Dans cet exemple, cela implique que le paradoxe qui résume le fonctionnement pendant le cycle du classement, soit l'un des paradoxes caractéristiques du fonctionnement en point, c'est-à-dire l'un des paradoxes de la première ligne du tableau des 16 paradoxes. On a aussi indiqué que, par un autre aspect, ce fonctionnement était malgré tout au niveau du cycle en cours, ce qui se matérialisait dans le fait que, parmi les quatre paradoxes du cycle du point, c'est celui de la seconde colonne (le paradoxe "entraîné / retenu") qui devait être considéré, car la seconde colonne est la colonne du classement.
Ce développement avait été fait pour présenter les paradoxes d'état. Il ne vaut en fait que pour ces paradoxes-là, car pour ce qui concerne le fonctionnement de l'interférence des paradoxes de transformation, c'est sur cet aspect précisément que se fait la perte d'un cran de complexité : dans la même situation, c'est-à-dire pendant tout le cycle du classement, non seulement le paradoxe qui décrit ce fonctionnement sera l'un des 4 paradoxes de la ligne du point, mais encore il sera celui de la colonne du point. Ce sera donc le paradoxe du "centre / à la périphérie" qui occupe la toute première case du tableau, en première colonne de la première ligne.

Par commodité, le fonctionnement de l'interférence des paradoxes de transformation à chacun des cycles, est rappelé par son paradoxe caractéristique sur fond grisé accompagné de flèches montantes et descendantes, en 1ère ou en 5ème colonne, selon la place disponible.
 
 
 

Le fonctionnement de l'interférence des paradoxes de transformation pendant les différents cycles

Restons d'abord sur le cas du cycle du classement (étapes A0-11 à B0-20), pendant lequel, comme on vient de le voir, l'interférence des deux paradoxes de transformation fonctionne sur le principe du paradoxe du "centre / à la périphérie". Pendant ce cycle on le rappelle, ces paradoxes ne sont que deux, un pour faire la première partie, et un pour faire la seconde.
Ce que cela implique pour la lecture des formes d'une oeuvre d'art, c'est que ces deux effets paradoxaux vont se retrouver strictement sur la même forme ou sur le même jeu de forme. Dans le cas des paradoxes d'état, dans le même cycle, c'est le paradoxe "entraîné / retenu" qui est à l'oeuvre, et l'on a vu que cela implique que chaque effet paradoxal peut être perçu de façon isolée, que notre regard est entraîné à sans cesse passer de l'un à l'autre, et donc très souvent d'une forme à l'autre. Dans le cas du paradoxe du "centre / à la périphérie" on garde ce principe de la perception isolée de chaque effet, mais on n'est plus entraîné à passer d'une forme à l'autre pour passer d'un paradoxe à l'autre : on reste fixé sur une même forme ou sur un même jeu de formes, et, sans le quitter des yeux, on peut basculer alternativement entre un effet et l'autre.
Dans les phénomènes physiques, le paradoxe du "centre / à la périphérie" correspond à l'état d'un réseau cristallin gelé à la température du zéro absolu : on peut dire que c'est cet aspect figé, rigide du paradoxe, qui est mobilisé.

Il est utile ici de rappeler que les cycles des paradoxes d'état et les cycles des paradoxes de transformation sont décalés les uns par rapport aux autres : puisque le mode de fonctionnement des uns et des autres change à chaque cycle, cela implique que le fonctionnement des paradoxes d'état ne se modifie pas au même rythme que celui des paradoxes de transformation.
Ainsi, toujours dans le cas du cycle du classement, et si l'on considère ce cycle B0 pour les paradoxes d'état, sa première phase (B0-11 à B0-20) a ses paradoxes d'état qui fonctionnent "en point" pendant que ses paradoxes de transformation fonctionnent eux aussi "en point". Par contre, dans sa deuxième phase (B0-21 à B0-25) les paradoxes d'état continuent à fonctionner en point, tandis que ceux de transformation ont déjà fait leur mutation et fonctionnent maintenant "en classement" pour ce qui concerne leurs interférences mutuelles.
Ce fonctionnement en classement, on y vient maintenant.

Dans le cycle de l'organisation les paradoxes de transformation sont maintenant trois, et leur fonctionnement est maintenant en classement.
Le paradoxe de la ligne du classement (seconde ligne du tableau des 16 paradoxes) qui est situé dans la colonne du classement (seconde colonne), est le paradoxe "homogène / hétérogène".
Cela signifie que les trois effets paradoxaux à l'oeuvre dans les formes d'art vont se trouver systématiquement à cheval sur les mêmes parties de la forme : chaque détail de la forme ou chaque ensemble de formes pourra se lire alternativement comme suggérant chacun des trois effets en jeu. Ce que l'on peut traduire par : les trois effets sont suffisamment hétérogènes pour être différenciés, et suffisamment homogènes en même temps pour pouvoir tenir sur une même forme.
Cela est très similaire en fait au fonctionnement en "centre / à la périphérie" du cycle précédent, mais cette fois il n'y a plus la possibilité de basculer alternativement entre deux effets paradoxaux : puisqu'il y a maintenant trois paradoxes, cela fait maintenant trois alternatives de lecture qui se mélangent sur la même forme. En réalité, ces remarques sont probablement plus utiles d'un point de vue théorique que d'un point de vue pratique, car, en pratique, il n'est pas clairement possible de distinguer un fonctionnement en "centre / à la périphérie" d'un fonctionnement "homogène / hétérogène".
Par contre, ce fonctionnement "homogène / hétérogène" est très sensiblement différent du fonctionnement "rassemblé / séparé" des paradoxes d'état pendant leur cycle de l'organisation. Dans ce dernier cas, la répartition des effets sur la forme est plus souple, puisqu'ils sont parfois rassemblés sur l'une de ses parties et qu'ils sont parfois séparés sur des parties différentes. À l'expérience, il apparaît que ces deux modes de fonctionnement peuvent se distinguer de façon assez claire, et le fait que les 3 paradoxes de transformation doivent être retrouvés systématiquement à cheval sur les mêmes jeux de forme, même s'ils en font chacun valoir des aspects différents, est un moyen très puissant pour classer les oeuvres d'art et pour s'assurer que l'on est bien à l'étape où l'on pense.
On a dit plus haut [revoir   dans une autre fenêtre] que les paradoxes de transformation avaient l'inconvénient de ne se renouveler que doucement d'une étape à l'autre, ce qui rend mal commode le repérage des étapes, mais, pendant tout le cycle de l'organisation, cette conjonction que l'on doit trouver des trois effets sur chacun des aspects de la forme compense largement cet inconvénient.

Au cycle suivant, celui du noeud, le fonctionnement est en organisation. Dans le tableau des 16 paradoxes, sur la ligne de l'organisation, qui est la troisième, la troisième colonne nous donne le paradoxe "même / différent".
Les paradoxes de transformation sont maintenant quatre, et la présence de ce paradoxe "même / différent" signifie que les trois premiers paradoxes vont s'organiser, s'imbriquer, pour faire en sorte que leur rassemblement donne le quatrième paradoxe.
Cela rappelle un peu la situation du paradoxe dominant qui correspond au fonctionnement en "intérieur / extérieur" des paradoxes d'état, mais ici le quatrième n'écrase pas complètement l'expression autonome des trois autres qui restent perceptibles pour eux-mêmes. Lui-même, d'ailleurs, garde par quelque aspect une expression autonome qui ne se déduit pas de la présence des trois autres. Comme les petits tourbillons qui s'assemblent pour en faire un plus grand sans se fondre dans lui (c'est le phénomène physique qui correspond à ce type de fonctionnement paradoxal), les trois paradoxes se regroupent et construisent ensemble le quatrième, mais ils ne sont pas fondus en lui et mélangés ensemble, ils restent bien séparés les uns des autres à l'intérieur de ce regroupement, et même le plus grand qui les englobe reste nettement distinguable de façon séparée.

Au cycle du point, le fonctionnement est en noeud, et les paradoxes de transformation se retrouvent brutalement à deux seulement.
Dans le tableau des 16 paradoxes, le paradoxe de la quatrième colonne de la quatrième ligne est le "relié / détaché" : les deux paradoxes qui restent fonctionnent donc de façon "reliée / détachée" l'un avec l'autre.
Cela signifie qu'ils sont étroitement imbriqués sur les mêmes formes, mais que l'on peut malgré tout les percevoir de façon séparée. En quelque sorte, le jeu de forme utilisé peut être considéré comme un "dénominateur commun", c'est-à-dire qu'il convient aussi bien à l'expression de l'un des paradoxes qu'à celle de l'autre.
Cela rappelle beaucoup le fonctionnement ponctuel en "centre / à la périphérie" du cycle du classement où divers paradoxes se regroupent également sur les mêmes jeux de forme. Mais, maintes fois on a dit, et on y reviendra encore : il n'y a pas de différence fondamentale entre un noeud qui finit de se nouer et des points séparés qui commencent à pointer.
 
 
 

Retour sur l'interphase des paradoxes d'état

En étudiant les paradoxes d'état, on avait vu que [revoir   dans une autre fenêtre], lors des interphases de leur évolution, une promotion se fait qui décale d'un cran-colonne de complexité (sans changer de ligne) tous les paradoxes, et qu'il n'était pas possible d'expliquer pourquoi cette promotion se faisait à ce moment là. Avec l'étude des paradoxes de transformation, on voit bien, cette fois, qu'à l'interphase il se passe quelque chose de spécial d'un autre type que le cran de complexité gagné dans une étape courante : au même moment, les paradoxes de transformation changent de cycle et ils fonctionnent désormais à la manière du cycle suivant.
On ne doit pas oublier que les deux sortes de paradoxes, d'état et de transformation, correspondent au même phénomène, seulement considéré sous des aspects différents. Ce qui se voit sur l'une des sortes de paradoxes ne se voit pas forcément sur l'autre, même si c'est souvent le cas. Ainsi, à partir de l'étape B0-20, on constate que les deux paradoxes de transformation sont maintenant des paradoxes du classement : "ça se suit / sans se suivre" et "synchronisé / incommensurable". Leur interférence ne fonctionne pas encore en classement : pour les paradoxes de transformation, on en est encore à l'étape spéciale d'intercycle qui les y prépare, et ce n'est qu'à l'étape B0-21 suivante que ce fonctionnement débutera. Mais, déjà, cette mutation qui se prépare se voit en considérant les paradoxes d'état : eux non plus ne fonctionnent pas encore en classement, et il leur faudra encore traverser toute la dernière phase du cycle du classement pour y parvenir, mais, déjà, ils ont mûri suffisamment pour au moins être à la bonne hauteur de colonne dans le tableau des 16 paradoxes. Le dernier paradoxe d'état était dans la colonne du point à l'étape B0-14 : c'était le "un / multiple". À partir de l'interphase B0-20, il est promu dans la colonne du classement, et il devient le "regroupement réussi / raté".
 

Dernière mise à jour de cette page : 25 octobre 2010


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