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enfin, un astre deux fois plus vieux que l'univers
Il y a quelques jours, le 14 avril 2000 précisément, sur
l'excellent site
d'actualité scientifique et technique de la BBC, je tombe sur
cette nouvelle stupéfiante [lien
vers la page toujours en archive en ligne] : le télescope
spatial Hubble aurait détecté un objet de "redshift" (décalage
vers le rouge) 12, alors que la plus lointaine galaxie repérée
n'avait jusqu'à présent qu'un redshift de l'ordre de 6,7.
Après conversion de ce redshift, selon l'interprétation
"standard" du redshift comme mesure de l'expansion de l'univers, cette
valeur implique que cette lumière aurait mis 26 milliards d'années
à nous parvenir. Or, un consensus semblait se faire pour attribuer
à l'univers un âge de 12 milliards d'années environ,
précisément grâce aux observations précédentes
du télescope Hubble.
J'ai d'abord vérifié la date : le 14 avril n'est pas le
1er avril. Cela n'était donc pas une plaisanterie.
J'ai ensuite vérifié la source : il s'agit d'une déclaration
de Bruce Dickinson du "Space Telescope Science Institute" de Baltimore,
qui doit être publiée dans "the Philosophical Transactions"
de la Royal Society. En outre cet objet aurait également été
observé au Kitt Peak Observatory aux Etats-Unis, avec cette fois
un redshift de 12,5. Diable, cela semble donc à la fois excitant
et sérieux.
Cet objet a été observé dans l'infime partie du
ciel dénommée le "Hubble Deep Field Nord", et il semblerait
que toutes les autres hypothèses pouvant expliquer un tel redshift
s'avéreraient actuellement extrêmement fragiles.
[Etant bien précisé que ce n'est pas moi qui ait calculé
l'âge de cet objet, me contentant ici de reprendre les conclusions
émises par ces scientifiques "standards"]
Nota : bien entendu cette remarque ne concerne que l'explication "standard" du redshift, car dans le cas de l'hypothèse que j'expose sur ce site [voir par exemple le texte "la grande illusion"] il n'y a rien d'étonnant à ce que l'on observe un astre de redshift 12 ou plus |
J'avais cru comprendre que le WEB avait rétréci la planète
et que l'information circulait désormais presque instantanément.
J'ai donc guetté les rubriques d'actualité, notamment d'actualité
scientifique, pour voir si plus de précisions étaient données
ailleurs sur cette nouvelle époustouflante.
Peu de temps après j'ai effectivement trouvé la même
information dans le site de CYBERSCIENCES,
relayée par YAHOO!
France. Et puis c'est tout.
Je n'ai pas cherché à faire le tour exhaustif de tous
les sites d'information pendant les jours suivants, mais il semble bien
que la nouvelle soit pour le moment largement tombée à l'eau,
et jamais je n'en ai entendu parler non plus à la radio ou à
la télévision.
Cette observation demande à être vérifiée
et revérifiée bien sûr, avant que cela soit un fait
acquis, et de nouvelles observations similaires doivent être faites
pour la conforter et l'interpréter sans risque d'erreur, mais rappelez-vous
par exemple de la vitesse à laquelle s'est répandue la nouvelle
qu'une certaine tache a été trouvée sur une certaine
robe d'une certaine Monica Lewinski, et elle s'est alors répandue
sans attendre que toutes les vérifications scientifiques soient
faites et publiées quant à son origine réelle.
On peut arguer aussi que "les gens" ne s'intéressent pas d'assez
près à la science pour que les médias, habituellement
friands de nouvelles extraordinaires, se précipitent sur une telle
nouvelle.
Mais je me souviens, il y a quelques années, j'avais été
surpris de voir systématiquement annoncé sur les radios et
télévisions de grande écoute le fait que l'on avait
enfin observé le très éphémère "quark
top" qui manquait auparavant pour compléter dans sa troisième
famille le tableau des "fermions" sur lequel est basé la théorie
standard de la matière.
Qu'une telle découverte aussi "pointue" et réclamant
des compétences extrêmement spécialisées pour
être comprise, soit ainsi médiatisée, cela était
très surprenant. Mais l'explication qui allait avec et qui était
l'essentiel du message "compréhensible pour des non-initiés",
c'était : encore une découverte qui montre bien la solidité
de la théorie standard.
Cette différence de traitement médiatique d'une information
scientifique qui "conforte" la théorie standard, avec une autre
nouvelle qui elle pourrait contredire cette théorie, n'est pas sans
précédent.
Ainsi j'ai eu la même stupeur à l'occasion d'une autre
découverte apparemment complètement passée à
la trappe.
Chacun a fait l'expérience de la vitesse avec laquelle se répand
dans les médias l'annonce que l'on a peut-être trouvé
le soi-disant gène qui rend criminel ou qui rend homosexuel. Là
encore, quoi que l'on pense de la véracité scientifique de
ce type d'information, on doit reconnaître qu'elle va pour partie
dans le sens de la théorie standard en matière de génétique
: tout est dans les gènes, et toutes nos particularités sont
génétiquement "programmées".
Dans un petit entrefilet de la revue SCIENCES ET AVENIR de juillet
1997, je suis tombé sur une information qui allait en sens contraire
de ce "tout génétique" : les experts du CNRS et de l'Institut
Curie venaient de trouver que les humains auraient très exactement
les mêmes gènes qu'un petit singe d'Amérique du Sud
qu'on appelle Capucin.
Il aurait fallu plus de détail, car que veut dire exactement
"les mêmes gènes que les humains" quand on sait que la cartographie
exacte du génome humain n'est pas encore complètement établie
? Cependant, il était déjà d'usage de trouver dans
les textes scientifiques sérieux que certains singes et les humains
ont environ 99 % de gènes en commun, le passage de 99 % à
100 % doit donc bien avoir une signification importante, et cette signification
ne va pas dans le sens du "tout est dans les gènes".
Pour en savoir plus j'attendais donc avec impatience les numéros
suivant de la revue, et des autres revues, et ce qui allait être
dit dans les médias généralistes de cette nouvelle.
Rien, absolument rien. Ni pour infirmer, ni pour confirmer, ni pour
développer, ni pour argumenter, je n'ai jamais rien vu depuis sur
ce sujet dans les médias.
Encore une fois je ne lis pas tout et je ne passe pas mon temps à
écouter les radios et à regarder les télévisions
du monde. Mais quand une vague et incertaine étude est réalisée
sur le gène qui rend criminel ou sur celui qui rend homosexuel,
je ne peux échapper à l'annonce maintes fois répétée
de son résultat ni aux commentaires théoriques qui systématiquement
se répandent aussitôt dans tous les médias scientifiques
ou généralistes, que ce soit pour s'enthousiasmer sur cette
annonce ou pour la vomir.
nota : sur le site j'évoque cette annonce dans le texte : Tout est dans les gènes . . . sauf l'essentiel ! |
Certes, je suis trop impatient.
La nouvelle d'un objet qui pourrait être deux fois plus vieux
que l'âge estimé de l'univers n'a que dix jours au moment
où j'écris ces lignes, et elle ne sera probablement pas enterrée.
Déjà le télescope Keck d'Hawaï, le plus large
du monde, pointe vers l'objet pour l'examiner.
Dans quelques jours, quelques semaines ou quelques mois, des articles
reprendront certainement l'information et la développeront.
Mais je ne voulais pas ici relever une censure ou auto-censure des
journalistes scientifiques. Seulement m'étonner sur la vitesse à
laquelle se répand une découverte qui conforte le "modèle
standard", alors qu'il s'agit à priori d'une nouvelle ennuyeuse
puisqu'elle ne fait que conforter le déjà compris et le déjà
admis, et sur la difficulté inverse que rencontre pour se répandre
une découverte qui pourrait, elle, remettre en cause tout l'édifice
de ce standard. Pourtant, c'est bien ce type de "nouvelle" qui apporte
précisément du "nouveau", et la promesse d'une nouvelle et
plus profonde compréhension du fonctionnement de l'univers.
C'est bien par ce type de découvertes imprévues et excitantes
que la science peut progresser à grandes enjambées, plus
que par la morne confirmation de ce que l'on sait déjà ou
de ce que l'on devinait déjà.
Christian RICORDEAU, le 24 avril 2000
[aujourd'hui le 24 avril 2001 : un an après, toujours ni
démenti, ni confirmation !]
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