Christian RICORDEAU

Essai sur l'art

 

tome 3

Après la mue

 

Chapitre 12

ÉMERGENCE

 

 

 

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12.1.  L'émergence du nouveau cycle dans les arts plastiques :

 

La dernière phase du cycle matière/esprit a vu le mélange des notions de matière et d'esprit produire une nouvelle notion embryonnaire, celle de « produit matériel fabriqué grâce à l'intervention de l'esprit », une notion que l'on a résumée sous le nom de « produit fabriqué », voire « fabriqué ». Simultanément, la notion « d'intention » qui était auparavant implicitement contenue dans celle d'esprit s'est finalement révélée autonome, spécifique, voire étrangère à celle d'esprit.

Puisque maintenant nous en avons définitivement terminé avec les notions de matière et d'esprit, celles de produit-fabriqué et d'intention vont désormais s'affronter directement, mais pour le moment il faut avoir en tête est qu'elles n'ont encore aucun caractère global et qu'elles ne pourront donc s'affronter qu'au cas par cas. On rappelle le schéma de la phase d'émergence du nouveau cycle ontologique qui décrit cette situation :

 

 

ontologie fabriqué/intention émergente :

 

 

        

 

 

Dans ce schéma, chacun des berlingots mélange la couleur blanche à une autre couleur de façon différente des autres, chaque mélange correspondant à une façon spécifique de séparer la notion de produit-fabriqué et la notion d'intention. Plusieurs berlingots de couleurs différentes et de dessins différents sont utilisés, car dans cette première phase les notions de produit-fabriqué et d'intention ne sont pas encore des notions globales que l'on peut repérer dans de multiples situations, leurs différences n'apparaissent encore qu'au cas par cas, c'est-à-dire sans que l'on puisse réaliser intellectuellement qu'il y a quelque chose de commun entre ces diverses situations, quelque chose que l'on pourrait précisément désigner comme « la » notion générale de produit-fabriqué ou « la » notion générale d'intention.

 

Non seulement les deux notions ne disposent pas encore d'un caractère global, mais en outre elles ne se sont encore jamais affrontées, ce qui implique qu'elles n'ont encore jamais eu l'occasion de s'agencer l'une par rapport à l'autre, de se mettre un minimum en relation l'une avec l'autre. Ce sera précisément la fonction de la première phase du nouveau cycle que d'obtenir cette mise en relation, toujours au cas par cas, de la notion de produit-fabriqué et de la notion d'intention.

Puisque aucune mise en relation antérieure n'a eu lieu permettant de favoriser certains cas de figure ou d'en éliminer d'autres d'emblée, nécessairement tous les cas de figure vont d'abord se présenter. Et ce qui différencie un cas de figure d'un autre dans la première phase ontologique est seulement que l'on a affaire, soit à une notion au cas par cas du type 1+1, soit à une notion au cas par cas du type 1/x. D'ailleurs, autant prévenir que pendant les premières phases du nouveau cycle cette question du type 1+1 ou 1/x sera essentielle, et si l'on avait pu les oublier depuis la phase de prématurité du cycle précédent, il va maintenant falloir s'y réhabituer.

Au tout début du nouveau cycle, la totalité des cas de figure pouvant se présenter peut se résumer à quatre situations distinctes : soit les notions de produit-fabriqué et d'intention sont toutes les deux du type 1+1, soit elles sont toutes les deux du type 1/x, soit la notion de produit-fabriqué est du type 1/x quand celle d'intention est du type 1+1, soit à l'inverse c'est la notion d'intention qui est du type 1/x et celle de produit-fabriqué du type 1+1. Dès lors que ces quatre cas peuvent se rencontrer, inévitablement ils se rencontreront, et la différence entre ces différents cas de figure est telle que ce qui va se produire dans chacun tout au long de la première phase n'aura rien à voir avec ce qui se produira dans les autres, raison pour laquelle il nous faut modifier la présentation de leur évolution au fil des étapes : dans les phases précédentes on avait traité chaque étape l'une après l'autre pour saisir l'évolution qui se produisait de l'une à l'autre, pour cette phase-ci et la suivante nous allons devoir renoncer à ce mode de présentation pour étudier séparément ce qui se passe pendant les cinq étapes successives de chaque phase pour chacun des quatre cas de figure. Plutôt que parler de cas de figure, nous parlerons d'ailleurs de filières, et pour chaque filière nous aurons aussi à distinguer ses expressions analytiques et ses expressions synthétiques puisqu'elles donnent lieu à des œuvres d'aspects très différents. Dans les titres définissant ces filières, « PF » sera pour produit-fabriqué, et « i » pour intention.

Avant de présenter en détail chacune des quatre filières, nous allons toutefois présenter succinctement ce qui arrive à chacune en présentant un exemple analytique et un exemple synthétique de sa première étape et de sa dernière étape. Cette présentation sommaire est destinée à faire comprendre en raccourci ce qui se passe de spécifique dans chacune des filières, et pour mieux se concentrer sur leur évolution on négligera momentanément les effets plastiques concernés. On en traitera ultérieurement, lorsqu'on fera l'analyse complète de l'évolution étape par étape.

 

 

12.1.0.  La première et la dernière étape de chacune des 4 filières de la phase d’émergence :

 

L'évolution dans la 1re filière, dans laquelle PF et i sont tous les deux du type 1+1 :

 

Dans le cas de cette filière, un produit fabriqué est d'emblée en relation avec une intention bien précise. Par exemple, on peut penser à une voiture qui est d'emblée fabriquée avec l'intention de se déplacer ou à un grille-pain qui est d'emblée fabriqué avec l'intention de griller des toasts. Ce qui pose problème dans cette filière est qu'un produit ainsi fabriqué avec une intention bien précise n'a d'emblée aucun rapport avec d'autres produits fabriqués qui l'ont été sur la base de tout autres intentions. Par exemple, il n'y aura aucune relation allant de soi entre une voiture et un grille-pain puisque chacun de ces produit est fabriqué avec une intention qui lui est propre.

Étant rappelé que le but de cette filière est de mettre en relation des notions qui sont au départ totalement étrangères, éventuellement même, contradictoires entre elles, on se demande comment des produits fabriqués avec des intentions différentes, s'accumulant donc seulement en 1+1 produits fabriqués indépendants, peuvent malgré tout être mis en relation. Si l'on tient compte du fait que, même à l'issue des cinq étapes que va prendre leur mise en relation, ils devront toujours s'ajouter en 1+1, c'est-à-dire sans faire ensemble une unité plus grande les rassemblant visiblement de façon cohérente, cette mise en relation aura un caractère qui peut paraître surprenant : il faudra parvenir à ce que l'impossible soit crédible, c'est-à-dire que l'on puisse croire que l'impossible mise en relation de produits complètement indifférents les uns pour les autres, voire contradictoires, est pourtant parfaitement réussie. Les exemples que l'on va donner expliciteront cette gageure.

 

 

 


Vincent Kohler :  Unplugged à Lausanne, Suisse (2017 – détail)

Source de l'image : https://www.vincentkohler.ch/unplugged/

 

 

Comme exemple d'expression analytique de la première étape de la 1re filière, voici l'œuvre de 2017 de l'artiste suisse Vincent Kohler (né en 1977) qu'il a intitulée « Unplugged » (Acoustique). Il s'agit d'une sculpture en bronze à l'usage de fontaine dans un bassin, réalisée dans le quartier du Flon à Lausanne, en Suisse. Cette sculpture a la forme d'instruments de musique contemporains : guitares électriques, batterie, amplis, mélangeur, micro.

Le divorce entre les intentions et entre les produits fabriqués qui leur sont associés est ici très clair : le dispositif en forme d'instruments de musique correspond à l'intention de jouer de la musique, le dispositif de fontaine installé à l'intérieur de ces instruments correspond à l'intention de produire des jets d'eau dans le bassin, et ces deux intentions n'ont rien en commun, d'autant que des instruments de musique ne sont aucunement faits pour résister à leur présence dans un bassin et pour laisser circuler de l'eau à travers eux. Puisque ces deux intentions ne font rien ensemble, elles s'ajoutent en 1+1, tout comme les produits fabriqués pour jouer de la musique n'ont rien à faire avec les dispositifs de jets d'eau qui s'ajoutent aussi à eux en 1+1. Produits fabriqués du type 1+1 et intentions du type 1+1, nous sommes bien dans la 1re filière.

Il s'agit d'une expression analytique puisque l'on peut considérer séparément les deux aspects du dispositif, d'une part les instruments de musique et d'autre part le bassin et les jets d'eau, tout comme nous pouvons considérer séparément les deux intentions qui s'y manifestent, faire de la musique et animer la place par un bassin à jets d'eau.

L'impossible mise en relation fonctionnelle d'instruments de musique et de jets d'eau est donc faite ici, et donc réussie. Toutefois, à cette première étape, rien n'est encore fait pour donner l'impression que les deux intentions cohabitent réellement dans un même produit fabriqué. Puisqu'ils sont visiblement en bronze, c'est de façon délibérée que les instruments de musique ont renoncé à être ou à apparaître comme étant de véritables instruments qui ne supporteraient pas de tenir longtemps ainsi immergés dans l'eau. C'est cela qui sera modifié lorsque l'on sera arrivé à la cinquième et dernière étape et que le miracle d'une impossible mise ensemble semblera réellement réussi.

 

 

IMAGE ÉVOQUÉE : Kader Attia, Flying rats à la 8e biennale d'art contemporain de Lyon (2005)

Elle est en principe accessible à l'adresse http://dndf.over-blog.com/article-1301045.html (dernier lien en centre de page)

Sinon, faites une recherche sur un moteur de recherche de votre choix avec la requête : Kader Attia Flying rats 8e biennale d'art contemporain de Lyon 2005

 

Comme expression synthétique de la première étape de la 1re filière, l'installation des « Flying rats » de l'artiste français Kader Attia (né en 1970), à la 8e biennale d'art contemporain de Lyon qui s'est tenue en 2005. Aux USA, flying rats (rats volants) est le nom donné aux pigeons. Des pigeons y ont été enfermés dans une grande cage, sans nourriture, hormis les graines qui ont servi à confectionner des mannequins en forme d'enfants disposés comme s'ils étaient dans un jardin d'enfants. Bien entendu, les pigeons ont progressivement mangé les graines et les petits personnages se sont disloqués. Vers l'arrière-plan de l'image ci-jointe, on voit qu'il ne reste plus que la robe rose d'un enfant qui a été presque complètement « mangé » par les pigeons.

Ici encore, deux intentions qui n'ont rien à voir l'une avec l'autre, qui ne font rien ensemble et qui s'ajoutent donc en 1+1, chacune des deux étant liée à une fabrication qui lui est propre et qui n'a donc rien à voir non plus avec la seconde : d'une part l'intention de fabriquer des mannequins en forme d'enfants, d'autre part l'intention d'installer une grande volière remplie de pigeons nourris à l'aide de graines de céréale.

Il s'agit d'une expression synthétique, car on ne peut pas considérer que les pigeons dégradent l'apparence des personnages en mangeant les graines sans avoir simultanément conscience des deux intentions, celle de nourrir les pigeons et celle de façonner des personnages.

Ce qui révèle bien ici que l'on est à la première étape est que les deux intentions ne parviennent pas à se maintenir durablement dans le même « produit fabriqué » dès lors que l'apparence des enfants disparaît à mesure de leur grignotage par les pigeons. Il s'agit d'ailleurs du propos de l'artiste que de réaliser une installation qui se désagrège progressivement, soulignant ainsi que les deux intentions qui s'y manifestent sont contradictoires et ne peuvent cohabiter, ce que nous traduisons ici en disant qu'elles s'ajoutent en 1+1.

 

 

 


Leandro Erlich : Pulled by the Roots, place du marché à Karlsruhe, Allemagne (2015)

Source de l'image : https://www.urdesignmag.com/art/2015/07/02/pulled-by-the-roots-installation-by-leandro-erlich/

 

 

On n'en vient à la cinquième et dernière étape de la même 1re filière dans son expression analytique, avec une maison dotée de racines portée par une grue au-dessus de la place du marché de Karlsruhe, en Allemagne. Il s'agit d'une installation que l'on doit à l'artiste argentin Leandro Erlich (né en 1973), qui l'a réalisée en 2015 et qu'il a dénommée « Pulled by the Roots », ce que l'on peut traduire par « Tiré par les Racines », probablement par analogie avec l'expression « tiré par les cheveux ».

Comme une maison n'a jamais de racines, les deux intentions que l'on peut déceler dans cette installation n'ont aucun rapport et s'ajoutent en 1+1 : d'une part, l'intention de montrer une véritable maison, d'autre part l'intention de la doter de racines, et chacune de ces deux intentions prend corps au moyen de dispositifs qui lui sont propres et qui sont bien distinguables. Il s'agit d'une expression analytique dès lors que ces deux intentions peuvent être observées et considérées séparément.

Par rapport à ce que l'on a observé à la première étape, bien que toujours incompatibles l'une avec l'autre, les deux intentions semblent désormais capables de se supporter dans un même produit fabriqué : une « véritable maison véritablement dotée de racines ». Même s'il ne s'agit pas d'une maison « véritable », c'est-à-dire réalisée en maçonnerie lourde, mais très probablement d'une fausse maison à base de panneaux de bois, tout a été fait dans le moindre détail de son apparence pour que l'on s'y méprenne, ce qui n'était pas le cas avec les instruments de musique très anormalement monocolores et très visiblement réalisés en bronze de la fontaine de Vincent Kohler.

C'est là le résultat de l'évolution de la première filière pendant ses cinq étapes : des fabrications qui correspondent à des intentions contradictoires et qui n'ont rien à faire ensemble, s'ajoutant donc l'une à l'autre en 1+1, finissent par trouver le moyen de se regrouper dans une même fabrication qui donne l'illusion que ces intentions peuvent tenir ensemble, et apparaissent ainsi comme deux aspects d'une même réalité pouvant être lues aussi bien en 1/x qu'en 1+1.

 

 

IMAGE ÉVOQUÉE : Nicole Tran Ba Vang, On ne se brode pas tous les jours les jambes (2003)

Elle est en principe accessible à l'adresse https://www.tranbavang.com/portfolio/projects/collection-automne-hiver-2003-04-2003/  (1re vignette à agrandir)

Sinon, faites une recherche sur un moteur de recherche de votre choix avec la requête : Nicole Tran Ba Vang On ne se brode pas tous les jours les jambes collection automne/hiver 2003/04 2003

 

Comme expression synthétique de la cinquième et dernière étape de la 1re filière, un montage photographique qui montre une femme en train de se broder les jambes. On le doit à l'artiste française Nicole Tran Ba Vang (née en 1963).

Il semble évident que l'intention de réaliser une broderie et celle de coudre à même la chair d'une femme sont deux intentions normalement inconciliables. Par différence avec les enfants fabriqués en graines de Kader Attia qui ne tenaient pas longtemps en présence de pigeons, le montage photographique de Nicole Tran Ba Vang donne l'impression que la femme supporte parfaitement la broderie à même sa chair, et que les deux intentions inconciliables ont donc réussi à se concilier dans cette représentation d'une femme en train de coudre tranquillement sa propre chair. L'évolution entre une cohabitation visiblement très précaire des deux intentions à la 1re étape et une cohabitation qui semble pérenne à la dernière rend compte de la maturation qui s'est produite pendant cette phase ontologique.

Il s'agit d'une expression synthétique, car on ne peut pas considérer qu'il s'agit d'une broderie sans réaliser qu'elle est très anormalement faite à même le corps du personnage.

 

 

L'évolution dans la 2e filière, dans laquelle PF et i sont tous les deux du type 1/x :

 

Dans la 2e filière les produits fabriqués sont d'emblée en relation avec des intentions, mais seulement de façon collective. Pour illustrer ce principe, on peut considérer que les produits fabriqués sont des maillots de football numérotés de façon aléatoire, c'est-à-dire sans lien avec un rôle précis du joueur dans son équipe, tel que serait par exemple le « 1 » pour le gardien de but et le « 9 » pour l'avant-centre, et l'intention consistera à d'attribuer indifféremment chacun de ces 1/x maillots à chacun des 1/x joueurs de l'équipe. La relation entre produit fabriqué et intention est ici collective, car c'est l'ensemble des maillots que l'on a l'intention d'attribuer à l'ensemble des joueurs, du moins à la première étape. L'évolution pendant la phase consistera à mettre progressivement en relation chaque maillot et son numéro précis avec chaque joueur précisément déterminé par un rôle spécifique sur le terrain. Au terme de cette évolution la relation entre produit fabriqué et intention ne sera donc plus seulement globale, collective, mais individuelle, chaque intention étant désormais spécifiquement en relation avec une seule fabrication.

 

 

 


Willie Cole : The Sole Sitter (2013 – bronze)

Source de l'image : https://newarkmuseum.wordpress.com/2013/11/20/willie-coles-soul-sitter-arrives-at-the-newark-museum/

 

 

Comme exemple analytique de la première étape de cette 2e filière, un assemblage de chaussures réalisé par l'artiste américain Willie Cole (né en 1955), similaire à celui qui avait été donné au chapitre 1.3. Cette œuvre date de 2013 et elle est dénommée « The Sole Sitter ». Au passage, on signale que toutes les œuvres données en exemples au chapitre 1.3 relèvent de l'une ou l'autre des quatre filières de la phase d'émergence dont il est traité dans le présent chapitre.

Si l'on raisonne en terme de produit fabriqué, on peut dire que cette statue est une combinaison de multiples chaussures noires, donc de multiples fabrications du même type, et si l'on raisonne en terme d'intention, on peut dire que cette statue résulte de l'intention de faire un unique personnage qui soit visuellement décomposable en multiples morceaux, chacun étant précisément positionné et orienté selon une intention spécifique afin que leur assemblage produise la figure globale souhaitée. Aussi bien en tant que produit fabriqué qu'en tant qu'intention, cette œuvre relève donc du type 1/x, mais comme on est à la première étape, la relation entre les deux notions est seulement globale. Les chaussures sont en effet relativement interchangeables puisqu'il n'y a pas, par exemple, de différence essentielle entre la chaussure qui figure la joue droite puis l'arrière de la tête et celle qui figure du même côté le haut de la tête, celle du haut ayant seulement le bout plié, ces deux chaussures étant par ailleurs exactement équivalentes à celles du côté gauche. Ce qui manque ici, c'est une relation exclusive et précise entre chacune des multiples intentions de disposition et chacun des produits fabriqués, et c'est une telle relation qu'il faudra conquérir au cours de la phase ontologique.

Il s'agit d'une expression analytique, puisque l'on peut considérer séparément la forme d'ensemble du personnage et le détail de chacune des chaussures qui concourent à cette forme.

 

 

 


Willie Cole : With a Heart of Gold (2005)

Source de l'image : http://www.virtualshoemuseum.com/willie-cole/with-a-heart-of-gold

 

 

Comme exemple synthétique de la première étape de la 2e filière, une autre œuvre de Willie Cole utilisant des chaussures, cette fois blanches pour la plupart, jaunes toutefois pour celles du centre. Elle est de 2005 et elle est intitulée « With a Heart of Gold » (Avec un Cœur d'Or).

Si l'on veut, on peut y voir une fleur composée de multiples pétales, mais il s'agit fondamentalement d'une « explosion » centrée et simultanée d'une multitude de chaussures, de telle sorte que l'on ne peut pas saisir cet effet global d'explosion sans simultanément repérer que chaque chaussure y participe, ce qui correspond à une expression synthétique.

Puisque la forme est obtenue par la mise en œuvre de multiples chaussures du même type, l'objet fabriqué « chaussure » est du type 1/x, et puisque chacune des chaussures est intentionnellement placée dans l'une des multiples positions et directions de l'espace satisfaisant à l'intention globale de donner une impression de rayonnement ou d'explosion à partir d'un centre, cette intention relève elle aussi du type 1/x.

Comme pour l'exemple précédent, cette intention une et multiple est en relation avec l'utilisation de chaussures à la fois unes et multiples, et il n'existe aucune relation individuelle décelable entre l'intention de placer une chaussure à tel ou tel endroit et le choix précis de telle ou telle chaussure pour cet emplacement. Notamment, il n'y a aucune régularité dans la couleur de leurs semelles intérieures, parfois noires, parfois beige clair, parfois rougeâtres, parfois gris bleuté, ce qui fait que l'on a l'impression que les chaussures ont été placées au hasard, sans lien avec une intention précise de les mettre à un emplacement précis. Seules les chaussures du centre, toutes de couleur jaune et placées à l'envers, ont été choisies pour correspondre précisément à l'intention de les positionner au centre, mais là encore cette  intention est collective car ces chaussures jaunes sont interchangeables entre elles.

 

 



Alex Chinneck : Whirlpool Table (2013)

Source de l'image :
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Nous envisageons maintenant un exemple analytique de la cinquième et dernière étape de la 2e filière. Il s'agit d'une table commercialisée en 2013 par l'artiste anglais Alex Chinneck (né en 1984) sous le nom de « Whirlpool Table » (Table Tourbillon). Son plateau consiste en l'enchevêtrement, l'un dans l'autre, d'un tourbillon blanc et d'un tourbillon foncé.

En tant que produit fabriqué on est toujours dans le type 1/x, puisqu'il s'agit d'une table à la forme ronde très unitaire faite de deux parties bien distinctes côte à côte. L'intention était d'utiliser une forme de spirale, elle est aussi du type 1/x puisqu'elle a été utilisée deux fois de façons semblables, mais également différentes puisque les couleurs des spirales sont différentes et que leurs points de départ ont été décalés pour obtenir leur enchevêtrement mutuel. Par différence avec les assemblages de chaussures de la première étape, la relation entre produit fabriqué et intention n'est plus ici seulement globale, collective, mais aussi très visiblement différenciée à l'échelle individuelle : l'intention de donner une teinte foncée est en relation précise et exclusive avec l'une des deux spirales, et l'intention de donner une teinte claire est en relation précise et exclusive avec l'autre. Certes, cette mise en relation individuelle implique un nombre plus réduit d'objets qu'à la première étape, mais l'utilisation d'un grand nombre d'objets n'est pas indispensable pour produire un effet significatif.

Il s'agit d'une expression analytique, puisque l'on peut considérer séparément chacune des deux spirales et leur imbrication dans la forme d'ensemble de la table.

 

 

 


Leondro Erlich : fausse façade horizontale + miroir (1ère installation en 2004)

Source de l'image : https://www.dezeen.com/2013/06/26/dalston-house-by-leandro-erlich/

 

 

Comme exemple d'expression synthétique de la cinquième et dernière étape de la 2e filière, une installation que Leandro Erlich a répétée à plusieurs occasions depuis 2004 et qui est formée de deux parties complémentaires : au sol, une fausse façade de maison avec tous les détails et les reliefs qu'il faut pour recréer les dispositions normales d'une vraie façade, en l'air, un miroir incliné qui permet aux personnes qui s'installent sur cette fausse façade d'avoir l'impression, en regardant le miroir, qu'ils sont accrochés à une façade en situation verticale. Ce trompe-l'œil donne à croire que l'on réalise des prouesses, par exemple que l'on est suspendu par les pieds au rebord d'une fenêtre.

On est bien dans le cas d'une installation fabriquée du type 1/x puisqu'elle est unique mais comporte deux parties à la fois différentes et complémentaires : la fausse façade, le miroir incliné. De la même façon, il y a là une intention unique, celle de donner l'impression que l'on est accroché à une façade verticale, mais elle comporte deux parties distinctes, l'une qui est l'intention de permettre aux personnes de s'installer sans prendre de risque sur une fausse façade, l'autre qui est l'intention de leur permettre de se regarder dans un miroir. Puisque l'on peut spécifiquement attribuer l'intention de générer un effet de miroir à l'une des parties de ce dispositif et spécifiquement attribuer l'intention de permettre l'installation des personnes à son autre partie, on est bien à la cinquième étape dans laquelle chaque intention est spécifiquement assignable à chaque partie du dispositif fabriqué par l'artiste.

Et puisqu'il est impossible de considérer le fonctionnement du dispositif sans considérer simultanément ses deux parties, il s'agit d'une expression synthétique.

 

 

L'évolution dans la 3e filière, dans laquelle PF est du type 1/x et i du type 1+1 :

 

Dans les deux premières filières le produit fabriqué et l'intention étaient en relation dès la première étape, individuellement dans la première, collectivement dans la deuxième. Dans la troisième, il n'existe aucune relation au départ entre les deux notions et son évolution consistera précisément à progressivement acquérir une telle relation. S'il n'existe au départ aucune relation, c'est parce que les deux notions sont de types différents, 1/x pour l'une et 1+1 pour l'autre, ces types correspondant à des fonctionnements qui ne sont pas conciliables.

Dans la 3e filière on part avec un produit fabriqué dont le type 1/x lui donne une cohérence globale, mais les intentions intégrées à ce produit n'ont aucune relation entre elles et s'ajoutent simplement en 1+1, ce qui cette fois se traduit par un manque de cohérence entre elles.

 

 

 


Brian Jungen : Sans titre (peau d'élan et encre argentée – 2010)

Source de l'image : https://catrionajeffries.com/artists/brian-jungen/works/brian-jungen-untitled-2010-1

 

 

Comme exemple d'expression analytique de la première étape de la 3e filière, une œuvre de 2010 de l'artiste canadien Brian Jungen (né en 1970), constituée d'une peau d'élan recouverte d'une encre argentée et percée de deux grands trous.

Les deux éléments qui composent ce produit fabriqué sont donc une peau d'élan argentée et un ensemble de deux trous. Il s'agit d'une disposition de type 1/x, puisque cette œuvre présente un caractère global et qu'elle est divisible en ces deux éléments bien distincts. Par contraste, on ne voit pas quelle intention globale pourrait correspondre à l'édification d'un tel objet, c'est-à-dire quel rapport il peut y avoir entre une peau d'élan argentée et deux percements ronds réalisés dans sa surface. Puisque l'intention de disposer contre le mur une peau d'élan argentée et l'intention de percer cette peau de deux trous circulaires n'ont aucune relation, leurs contributions s'ajoutent seulement en 1+1.

Il s'agit d'une expression analytique puisque ces deux intentions peuvent être considérées séparément.

 

 

IMAGE ÉVOQUÉE : Kader Attia, Sweet Sweat (2004)

Elle est en principe accessible à l'adresse http://old.likeyou.com/archives/kader_attia_andrehn_06.htm

Sinon, faites une recherche sur un moteur de recherche de votre choix avec la requête : Kader Attia Sweet Sweat 2004

 

Comme exemple d'expression synthétique de la première étape de la 3e filière, une œuvre de Kader Attia, certes mineure mais particulièrement représentative de la première étape. Elle date de 2004, est intitulée « Sweet Sweat », et consiste en des lames de cutter emmanchées sur des friandises au caramel enrobé de chocolat.

Chaque fabrication de l'artiste forme une unité globale qui rassemble deux parties, un morceau de barre chocolatée et une lame de cutter, il s'agit donc d'une fabrication du type 1/x. Par différence, aucune intention globale ne peut correspondre à ces embrochements de barres chocolatées par des lames de cutter, à moins d'imaginer une intention malveillante de la part de l'artiste, mais cette circonstance peut être écartée car il aurait alors pris soin de bien dissimuler les lames.

Cette hypothèse donc écartée, on doit admettre que sa fabrication comporte deux intentions bien distinctes qui n'ont aucun rapport l'une avec l'autre, la première étant de proposer un morceau de barre chocolatée comestible, la seconde étant d'installer à son intérieur des lames de cutter destinées à couper. Puisque ces deux intentions n'ont rien à faire ensemble, au point même d'être contradictoires, c'est en 1+1 qu'elles s'ajoutent pour constituer l'œuvre proposée par l'artiste.

Il s'agit d'une expression synthétique, car on ne peut pas comprendre que les intentions correspondant aux deux parties sont contradictoires sans les confronter, c'est-à-dire sans les prendre en compte simultanément.

 

À la première étape de la 1re filière, parce que chaque produit fabriqué était en relation avec une intention spécifique qui lui donnait sens, leur assemblage en 1+1 donnait quelque chose que l'on pouvait comprendre, même si l'on comprenait aussi qu'il s'agissait de quelque chose d'absurde ou de peu pérenne : des instruments de musique utilisés pour faire une fontaine ou des mannequins en forme d'enfants pour nourrir des pigeons. Par différence, dans la 3e filière la mise ensemble des deux intentions ne correspond à aucun assemblage d'intentions que l'on puisse comprendre, nommer, ce qui fait brutalement ressortir l'impossibilité de « faire ensemble » pour ces intentions qui ne s'ajoutent l'une à l'autre qu'en 1+1.

 

 

 


Xu Qu : Maze (relative), rouge et vert (2014)

Source de l'image : https://www.alminerech.com/artists/285-xu-qu#fcbx-work-42

 

 

À la dernière étape de la 3e filière, bien que s'ajoutant toujours en 1+1 les diverses intentions autonomes ou contradictoires doivent trouver le moyen de se mettre en relation dans l'œuvre fabriquée par l'artiste. Dans les expressions analytiques de cette 3e filière, le moyen de mettre en relation des intentions qui doivent rester mutuellement indifférentes consistera à trouver un système de graduation permettant de passer progressivement de l'une à l'autre, et cela sans qu'elles aient à se confronter directement afin que leurs aspects contradictoires n'aient jamais l'occasion de se révéler.

Comme exemple d'expression analytique, la peinture de 2014 de l'artiste chinois Xu Qu (né en 1978) qu'il a intitulée « Maze (relative), rouge et vert » (Labyrinthe rouge et vert). Elle se décompose en trois parties distinctes : au centre, un labyrinthe en relief franchement vu de dessus, sur chacun de ses côtés, un labyrinthe similaire mais vu selon un biais de plus en plus accentué. Ce labyrinthe est une construction du type 1/x puisqu'il utilise de façon unitaire un même principe de labyrinthe et qu'il comporte plusieurs parties clairement différenciées.

Les deux intentions qui concourent à cette figure sont bien distinctes l'une de l'autre : l'une consiste à voir le labyrinthe « de dessus », l'autre consiste à le voir « de biais ». Ces deux intentions n'ont rien à voir l'une avec l'autre puisqu'on ne peut pas voir quelque chose en même temps verticalement et en biais, elles s'ajoutent donc l'une à l'autre en 1+1.

Par le moyen de la fabrication d'une transition progressive entre l'une et l'autre de ces deux intentions, elles forment toutefois ensemble une œuvre qui présente une cohérence d'intention globale, cette intention globale étant de passer progressivement de la vue de dessus à une vue de biais de plus en plus accentuée, et malgré leur autonomie préservée les deux intentions ont donc trouvé ici un moyen pour se mettre en relation.

Il s'agit d'une expression analytique, puisque l'on peut considérer séparément chacune des deux intentions et l'intention tierce de passer progressivement de l'une à l'autre.

 

 



 

Li Hongbo : sculptures en couches de papier empilées
Source des images : http://www.galleryek.com/artists/li-hongbo/series/tools-of-study?view=slider#5 et https://design-milk.com/carving-paper-surprising-sculpture-li-hongbo/

 

L'exemple synthétique de la dernière étape de la 3e filière nous sera aussi donné par un artiste chinois, cette fois Li Hongbo (né en 1974), qui s'est rendu célèbre par ses sculptures réalisées en feuilles de papier empilées les unes sur les autres et seulement collées localement de telle sorte que la sculpture peut être dépliée et allongée presque à volonté.

Cette fabrication de l'artiste est une sculpture qui se compose d'une multitude de feuilles empilées les unes sur les autres, elle est donc du type 1/x. Lui correspondent deux intentions qui n'ont rien à voir l'une avec l'autre et s'ajoutent donc en 1+1 : l'une est de lui procurer une forme de statue, par exemple de buste, l'autre est de la réaliser au moyen d'un empilement de feuilles partiellement collées entre elles et pouvant se déplier comme un accordéon.

Il s'agit d'une expression synthétique puisqu'on ne peut pas constater que c'est la même œuvre qui prend tantôt l'apparence d'un empilement de feuilles et tantôt celle d'une statue sans avoir ces deux aspects simultanément à l'esprit.

Dans l'exemple analytique précédent on passait progressivement d'une intention à l'autre, ce qui permettait de neutraliser leur conflit. Ici, s'agissant d'une expression synthétique, les deux intentions ne peuvent pas s'exercer simultanément puisqu'elles sont contradictoires : soit la forme est étirée pour faire apparaître sa nature d'empilement, et alors l'aspect de statue compacte disparaît sur la partie étirée, soit les feuilles sont à nouveau compressées les unes sur les autres, et alors la nature d'empilement de feuilles n'est plus du tout perceptible. L'expression synthétique du conflit entre les deux intentions ne permet pas de résoudre celui-ci au moyen d'une transition régulière mais par l'apparente disparition au moins locale de l'une lorsque l'autre est mise en œuvre.

 

 

L'évolution dans la 4e filière, dans laquelle PF est du type 1+1 et i du type 1/x :

 

Comme dans la filière précédente, les deux notions ne peuvent se mettre immédiatement en relation dès lors qu'elles sont de types différents, 1+1 pour l'une, 1/x pour l'autre, et son évolution consistera à nouveau à les mettre en relation malgré cette contrainte.

Ce sont maintenant les produits fabriqués qui sont initialement sans relation entre eux et qui s'additionnent en 1+1. Toutefois, comme ils correspondent tous à une même intention globale qui se diffracte sur chacun d'eux en autant d'intentions similaires, ces fabrications sans relation entre elles héritent d'une allure similaire qui correspond au partage de cette même intention globale.

 

 

 


Willie Cole : Domestic I.D. IV (1992)

Source de l'image : https://www.moma.org/collection/works/66215

 

 

Comme exemple d'expression analytique de la première étape de la 4e filière, un ensemble d'empreintes de fers à repasser que l'on doit à Willie Cole que l'on retrouve dans une œuvre de 1992 qu'il a intitulée « Domestic I.D. IV ».

Ces brûlures d'une feuille de papier par des fers à repasser s'accumulent les unes à côté des autres sans faire ensemble une forme unique reconnaissable, par différence à ce qu'il en allait dans son « Pressed Iron Bud » présenté au chapitre 2.1 où les marques de fer généraient ensemble la forme d'un bourgeon. Mais si ces empreintes de fers s'ajoutent seulement en 1+1 « fabrications de brûlures » les unes à côté des autres, elles n'en ont pas moins un air de famille évident. On repère bien que l'intention commune qui les relie est celle d'effectuer une empreinte en brûlant la feuille de papier avec un fer à repasser, et l'on repère bien aussi que cette intention commune est incarnée de façon différente par chacun des fers, selon la forme spécifique de sa semelle et selon l'intensité de sa brûlure, ce qui correspond donc à une intention du type 1/x.

Il s'agit d'une expression analytique, car on peut considérer séparément que les empreintes sont similaires et qu'elles ne forment pas ensemble une figure significative.

 

 

 


 

Willie Cole : Scene from a Battle (1999)

Source de l'image : https://www.moma.org/collection/works/146865

 

 

Comme exemple d'expression cette fois synthétique de la première étape de la 4e filière, une nouvelle œuvre de Willie Cole fabriquée à partir d'empreintes de fers. Elle est semblable à l'œuvre « Zulu » donnée au chapitre 2.1, s'intitule « Scene from a Battle », et date de 1999.

Cette fois, l'intention de Willie Cole a été de fabriquer des empreintes de fer systématiquement groupées par deux tête-bêche afin de donner à chacun de ces groupements une forme symétrique. Cette intention, qui leur est commune, est toutefois réalisée de façon chaque fois un peu différente grâce à l'intensité différente des brûlures, elle est donc du type 1/x. Les empreintes sont toujours les unes à côté des autres, mais si elles se touchent presque il n'y a aucune régularité dans leurs orientations et elles vont dans tous les sens. Ce qu'a réalisé là Willie Cole est donc un ensemble de 1+1 empreintes puisqu'elles ne génèrent par leur regroupement aucune forme globale, l'orientation des unes ne cherchant même pas à s'accorder à celle des autres.

Il s'agit d'une expression synthétique, puisqu'on ne peut pas lire les différentes empreintes pour vérifier qu'elles sont bien similaires (intention du type 1/x) sans être forcé de prendre en compte leurs orientations très variées et comme aléatoires (disposition en 1+1 des empreintes fabriquées).

 

 

 


Vhils : visage réalisé par grattage de couches successives d'un mur

Source de l'image : http://hda-joseph-hubert.eklablog.com/vhils-artiste-urbain-par-camila-nooagat-a114506192

 

 

Comme exemple d'expression analytique de la cinquième et dernière étape de la 4e filière de l'ontologie PF/i émergente, une œuvre de l'artiste portugais Alexandre Farto, alias Vhils (né en 1987), que l'on avait déjà été évoquée au chapitre 1.3. Ce visage de femme apparaît après le grattage ou le piquetage des différentes couches qui constituent un mur : l'enduit clair de certaines zones est laissé visible, il est décapé sur d'autres zones pour laisser apparaître sa sous-couche grise, d'autres zones encore sont décapées jusqu'à faire apparaître la couleur rouge de la brique et la couleur grise des joints de construction.

L'intention globale est clairement visible : il s'agit de former l'image d'un visage de femme. Toutefois, pour parvenir à cette image, des intentions spécifiques de grattage ou de piochage ont concerné séparément chacune des différentes couches constituant le mur, et l'intention est donc ici du type 1/x. Quant aux différents produits fabriqués impliqués, il s'agit des différentes couches qui ont servi à construire le mur : l'ossature en briques, puis son sous-enduit, puis son enduit définitif. Bien qu'elles constituent ensemble l'unité du mur, ces couches se sont ajoutées l'une sur l'autre en 1+1 car elles se cachent mutuellement et ne sont jamais perceptibles comme autant de parties distinctes de ce mur, sauf sur sa tranche, mais celle-ci n'est pas normalement visible.

La technique utilisée par Vhils pour réaliser ce visage répond parfaitement à ce que l'on doit attendre de l'évolution ultime de cette phase dans sa 4e filière : chaque couche du mur s'ajoute à celle du dessous en 1+1, ne fait rien avec celle du dessous ni avec celle du dessus, sauf d'y être adhérente, mais bien que les grattages et les piochages concernent isolément et différemment chacune des couches, chacun contribue à faire apparaître une intention d'ensemble dans laquelle ce qui arrive indépendamment à chaque couche s'intègre dans cette intention d'ensemble.

Il s'agit d'une expression analytique puisque l'on peut considérer séparément l'intervention réalisée sur chaque couche du mur et le résultat global de ces diverses interventions.

 

 

 


Leandro Erlich : Port of Reflections à Séoul (2014)

Source de l'image :
https://www.domusweb.it/
en/news/2014/12/22/port_
of_reflections.html

 

 

Pour finir cette présentation succincte de l'évolution des diverses filières, un exemple d'expression synthétique de la dernière étape de la 4e filière. On y retrouve Leandro Erlich avec une installation de 2014 qu'il a réalisée à Séoul, en Corée du Sud, et qu'il a dénommée « Port of Reflections ». Elle consiste en plusieurs bateaux installés au-dessus d'un vaste et profond trou noir censé correspondre à la présence d'un bassin nautique rempli d'eau, et sous les bateaux sont confectionnées des formes qui donnent l'impression qu'elles sont les reflets sur l'eau de ces bateaux. De la même façon, des formes zigzagantes ressemblent aux reflets que feraient les lampadaires et la balustrade qui bordent ce trou noir. Bien entendu, par différence avec ce qui se produirait pour de véritables reflets, ceux-ci sont fixes et leurs ondulations ne se modifient pas avec l'agitation de l'eau dont ils suggèrent la présence.

L'intention a été de montrer les reflets sur l'eau d'une scène maritime et cette intention se divise en deux intentions bien distinctes qui se complètent : d'une part, l'intention de mettre en œuvre des bateaux réels, des lampadaires réels et une balustrade réelle autour du bassin, d'autre part, l'intention de fabriquer de faux reflets de ces ouvrages réels. Cette intention est donc du type 1/x, comme il convient pour une œuvre classée dans la 4e filière.

Les produits fabriqués pour correspondre à ces intentions relèvent de deux groupes indépendants l'un de l'autre : d'une part, de véritables bateaux, de véritables lampadaires et une véritable balustrade, d'autre part les faux reflets de ces ouvrages sur le faux plan d'eau. Ces deux réalités n'ont rien à voir l'une avec l'autre puisque l'une correspond à des ouvrages réels tandis que l'autre correspond à des illusions, et puisqu'elles n'ont rien à voir l'une avec l'autre elles s'ajoutent en 1+1 comme il convient aussi pour une œuvre classée dans la 4e filière. Toutefois, puisque l'intention a été que les unes donnent l'illusion d'être les reflets des autres, de fait l'intention de fabriquer les unes se trouve mise en relation avec l'intention de fabriquer les autres. À la dernière étape de cette filière les produits fabriqués s'ajoutent toujours en 1+1 sans relation entre eux, mais on peut aussi considérer qu'ils sont en relation mutuelle du type 1/x, ce qui était le but de l'évolution propre à cette filière pendant la phase d'émergence.

Il s'agit d'une expression synthétique puisqu'on ne peut pas se rendre compte qu'une partie des produits fabriqués se veut le reflet des autres sans prendre simultanément en compte l'aspect des uns et l'aspect des autres.

 

 

 

12.1.1.  L'évolution de la 1re filière de la phase d’émergence de l'ontologie Produit-Fabriqué/intention, filière dans laquelle PF et i sont tous les deux du type 1+1 :

 

Après une présentation succincte destinée à souligner l'originalité de chaque filière et la spécificité de son évolution, on envisage maintenant chacune étape par étape.

Autant prévenir, cet examen pourra paraître frustrant, car de la première à la quatrième étape, et cela dans toutes les filières, on n'observera aucune évolution significative, aucune maturité repérable permettant de passer progressivement de la première à la cinquième et dernière étape. C'est comme si une évolution souterraine se produisait, impossible à repérer, et que toute la maturité acquise de façon invisible pendant les quatre premières étapes éclatait au grand jour à la dernière. En fait, une telle évolution étape par étape existe bien, mais il se trouve que seule l'évolution des effets plastiques permet d'en rendre compte.

Cette absence d'évolution visible des relations entre les notions de types 1+1 et celles de type 1/x résulte du fait que l'on se trouve aux toutes premières étapes du nouveau cycle ontologique et que les notions de produit-fabriqué et d'intention n'ont encore jamais eu l'occasion d'établir la moindre relation entre elles. Puisque le but de cette phase est précisément de mettre en relation les deux notions, et puisque c'est seulement à la cinquième étape qu'une maturité suffisante sera obtenue permettant de passer à la phase suivante, c'est seulement à cette dernière étape que cette relation pourra être perceptible.

 

Tous les effets plastiques correspondant à chaque étape ne seront pas systématiquement envisagés. Lors de la phase d'émergence, comme lors de la dernière phase du cycle précédent, ils se divisent en deux familles : d'une part les effets que j'ai appelés « de transformation » et qui sont encore au nombre de deux, d'autre part ceux que j'ai appelés « d'état » et qui sont toujours au nombre de quatre. Toutefois, par différence avec la phase précédente, aucun des quatre effets dits d'état n'a le caractère d'un effet dominant permettant de résumer son étape. Pour cette raison, les deux effets dits « de transformation » ont une importance prépondérante pour caractériser chaque étape, et l'on dira précisément qu'ils en sont les effets prépondérants. En fait, l'un des deux seulement est à considérer, différent selon la filière considérée. Dans la 1re et la 3e filière, c'est-à-dire à chaque fois que l'intention est du type 1+1, c'est le premier effet paradoxal qui est prépondérant, et selon l'étape il s'agit du centre/à la périphérie, puis de l'entraîné/retenu, puis de l'effet d'ensemble/autonomie, puis de l'ouvert/fermé, puis enfin du ça se suit/sans se suivre. Dans la 2e et la 4e filière, c'est-à-dire chaque fois que l'intention est du type 1/x, c'est le second paradoxe qui est prépondérant : d'abord le synchronisé/incommensurable, puis le ça se suit/sans se suivre, puis l'homogène/hétérogène, puis le rassemblé/séparé, puis enfin un retour au synchronisé/incommensurable.

 

 

IMAGE ÉVOQUÉE : Lilian Bourgeat, Invendus - bottes (2008)

Elle est en principe accessible à l'adresse https://artips.co/newsletters/Bourgeat_Rivau/rivau_4.html ou https://www.pinterest.fr/pin/lilian-bourgeat-invendus-bottes-2008-chteau-du-rivau-lilian-bourgeat-photo-chteau-du-rivau-val-de-loir--435934438921806018/

Sinon, faites une recherche sur un moteur de recherche de votre choix avec la requête : Lilian Bourgeat Invendus bottes 2008

 

Pour la première étape de la 1re filière, au chapitre 12.1.0 nous avons déjà vu les instruments de musique/jets d'eau de Vincent Kohler et les Flying rats de Kader Attia.

Comme nouvel exemple d'expression analytique pour cette première étape, des bottes gigantesques, hors de proportion et donc inutilisables, dues à l'artiste français Lilian Bourgeat (né en 1970). Il a réalisé cette œuvre en 2008 et l'a dénommée « Invendus », probablement parce qu'il s'agit de deux bottes gauches, donc non appareillées et ainsi invendables indépendamment de leur taille très anormale.

À l'origine de ces bottes on peut repérer l'intention de produire une paire de bottes et celle de produire un objet hors d'échelle. Ces deux intentions n'ont rien à voir l'une avec l'autre et elles s'ajoutent donc en 1+1, tout comme il en va pour les deux aspects de la fabrication qui en résulte, puisqu'une botte hors d'échelle n'a rien à voir avec ce qu'est normalement une botte, c'est-à-dire une botte ordinaire que l'on peut enfiler. On est bien là dans la 1re filière.

Dès lors que l'on peut considérer séparément que ces objets ont l'aspect de bottes et qu'il s'agit de bottes hors d'échelle, il s'agit d'une expression analytique.

À la première étape l'effet plastique prépondérant est celui du centre/à la périphérie dont la spécialité est de nous déstabiliser, et l'on est effectivement déstabilisé par ces bottes gigantesques dont on ne comprend pas l'utilité. Parmi les autres effets en jeu, celui de regroupement réussi/raté puisque leur forme est bien regroupée avec celle de véritables bottes tandis que ce regroupement est raté si l'on considère leur taille très anormale. On peut aussi évoquer celui de relié/détaché puisque l'apparence de ces bottes est reliée à celle qu'auraient des bottes réelles tandis qu'elle s'en détache du fait de leur taille. Quant à l'effet de fait/défait, il s'explique facilement : ces bottes sont bien faites, mais leur usage est complètement défait.

 

 

 


Baptiste Debombourg : Turbo (2007)

Source de l'image : http://www.baptistedebombourg.com/fr/travaux/view/24/turbo-galerie-patricia-dorfmann-paris

 

 

Comme nouvel exemple synthétique de la première étape de la 1re filière, une œuvre de l'artiste français Baptiste Debombourg (né en 1978) qui date de 2007 et dont il fit plusieurs répliques ultérieures sous le titre générique de « Turbo ». Elle consiste en une cloison qui semble exploser sous un choc venu de derrière mais qui reste malgré tout continue, ce qui implique que sa surface a apparemment augmenté de façon très anormale.

Le premier produit fabriqué concerné est une cloison « normale » et correspond à l'intention de montrer sa déformation par un choc brutal. Le second concerne les « surfaces supplémentaires » de cloison morcelée qui ont été mises en forme pour correspondre à l'intention de montrer la continuité anormalement maintenue de la cloison. Ces deux intentions et ces deux produits fabriqués n'ont chaque fois rien à voir l'un avec l'autre, ils s'ajoutent donc chaque fois en 1+1 comme il sied pour une œuvre rattachée à la 1re filière.

Il s'agit d'une expression synthétique, puisqu'on ne peut pas considérer que la surface de la cloison est anormalement continue malgré le choc qui l'a brisée et déformée sans précisément considérer qu'elle semble avoir reçu un choc qui l'a déformée.

Dans cet exemple, outre l'effet de déstabilisation propre à l'effet du centre/à la périphérie que provoque en nous la vision de cette réalité impossible, on peut évoquer à nouveau l'effet de regroupement réussi/raté, puisque toute la cloison reste regroupée en continu bien que la crédibilité de cette continuité soit complètement ratée. L'effet de relié/détaché correspond au fait que tous les morceaux blancs de la cloison brisée sont reliés en continu alors qu'ils sont visuellement détachés les uns des autres par la couleur brune des cassures. Du fait du bris de la cloison, l'effet de fait/défait va de soi.

 

 

 


Li Songsong : Flowers on the Sea (2008)

Source de l'image : https://www.pacegallery.com/journal/li-songsong-at-the-bologna-museum-of-modern-art-mambo/

 

 

Pour la deuxième étape de la 1re filière, et comme premier exemple d'expression analytique, une peinture de 2008 du chinois Li Songsong (né en 1973) qu'il a intitulée « Flowers on the Sea ».

Ce tableau représente un couple au bord de la mer sur fond de coucher de soleil. De façon anormale la scène est découpée en rectangles qui ne sont pas traités de la même façon : certains sont en couleurs, d'autres en noir et blanc, certains ont des couleurs vives et d'autres des couleurs pastel ou non adaptées à l'ambiance lumineuse. Il résulte de ce découpage et de ces différences de traitement que les différentes parties d'un même personnage ou du paysage ne sont pas cohérentes entre elles.

Une première intention a consisté à fabriquer une image continue et réaliste du couple, une image que l'on peut dire « normale », une seconde intention a été de la décomposer en rectangles aux contours arbitraires, c'est-à-dire sans lien avec la découpe « naturelle » des différentes parties de la scène, et une troisième intention a été de procurer à chacun de ces rectangles un coloris et une tonalité qui lui soit propre. Ces trois intentions n'ont rien à voir les unes avec les autres, s'ajoutent donc en 1+1, et elles ont donné lieu à la mise en œuvre d'une combinaison de trois procédés picturaux qui n'ont également rien à voir les uns avec les autres et qui s'ajoutent de la même façon en 1+1.

Il s'agit d'une expression analytique, puisque l'on peut considérer séparément l'intention de proposer la vue globale de la scène, l'intention de la décomposer en rectangles aux contours arbitraires, et l'intention de traiter de façon autonome la couleur et la tonalité de chacun de ces rectangles.

L'effet prépondérant à la deuxième étape de cette filière est l'entraîné/retenu. On est effectivement entraîné ici à lire l'image d'un couple, mais on en est retenu par sa décomposition en rectangles traités très différemment qui contrarient notre lecture continue de cette image. Les autres effets plastiques relevant de la deuxième étape sont l'entraîné/retenu que l'on retrouve une seconde fois, l'effet d'ensemble/autonomie, l'ouvert/fermé, et le ça se suit/sans se suivre. Ce dernier est particulièrement présent puisque toutes les parties du tableau se suivent en continu si l'on considère le dessin qui génère l'image globale du couple, mais elles ne se suivent pas puisque le traitement de la couleur et de la luminosité s'interrompt à la limite de chaque rectangle. L'effet d'ensemble/autonomie est également bien sensible : les différents rectangles sont traités de façons autonomes tandis que la vue globale d'un couple sur fond de coucher de soleil est leur effet d'ensemble.

 

 

IMAGE ÉVOQUÉE : Wim Delvoye, Carved Truck

Elle est en principe accessible à l'adresse https://collectiftextile.com/wim-delvoye/wim-delvoye_-carved-truck/

Sinon, faites une recherche sur un moteur de recherche de votre choix avec la requête : Wim Delvoye Carved Truck

 

Autre œuvre d'expression analytique pour la deuxième étape, le camion/bétonnière réalisé en dentelles à motifs gothiques de l'artiste belge Wim Delvoye (né en 1965). Évidemment, ces dentelles sophistiquées le rendent impropre à son usage de bétonnière.

Ce camion résulte de l'intention de fabriquer une bétonnière et de l'intention, contradictoire à la précédente, de fabriquer ses formes en dentelles à motifs gothiques. Les deux fabrications qui résultent de ces deux intentions contradictoires sont également contradictoires entre elles et s'ajoutent donc en 1+1.

Comme on peut considérer séparément qu'il s'agit d'une bétonnière et que ses surfaces sont dentelées, il s'agit d'une expression analytique.

On est entraîné à penser qu'il s'agit d'une bétonnière, mais on en est retenu par l'utilisation de cette dentelle métallique, ce qui correspond à l'effet prépondérant d'entraîné/retenu. On peut aussi constater que la forme fabriquée suit la forme d'une bétonnière mais sans la suivre du fait de l'utilisation de cette dentelle. L'effet d'ouvert/fermé est évidemment impliqué puisque les volumes fermés du véhicule sont abondamment ajourés par la découpe des dentelles.

 

 

 


Li Songsong : ZHU DE on a bike (2002)

Source de l'image : https://www.mutualart.com/Artwork/ZHU-DE-ON-A-BIKE/693D40D0FC616512

 

 

On retrouve l'artiste Li Songsong avec une œuvre correspondant cette fois à une expression synthétique de la première étape de la 1re filière, sa peinture de 2002 intitulée : « ZHU DE on a bike » (ZUE DE à vélo). Sa caractéristique est qu'elle paraît « mal faite » puisque les formes y sont très mal définies et que s'y laissent voir de nombreuses coulures de peinture.

Une première intention de l'artiste a été de fabriquer la représentation d'un personnage à vélo, et sa seconde intention a été de donner l'impression que ce tableau était mal réalisé, ce qui l'a finalement amené à fabriquer la représentation du personnage en brouillant son image et en y laissant des coulures de peinture. Comme ces deux aspects n'ont rien à voir l'un avec l'autre et qu'ils sont même plutôt contradictoires, on est dans la 1re filière, et comme ils ne sont pas visuellement séparables, il s'agit d'une expression synthétique.

On retrouve l'effet prépondérant d'entraîné/retenu : on est entraîné à lire l'image d'un homme à vélo et on en est retenu du fait que l'image n'apparaît pas distinctement, qu'elle est floue. L'autre effet qui a de l'importance ici est le ça se suit/ça se suivre : cela suit l'apparence normale d'un homme à vélo, mais cela ne suit pas cette apparence du fait de l'exécution volontairement maladroite du tableau.

 

 

IMAGE ÉVOQUÉE : Vik Muniz, Marat (2008 - de la série Pictures of Garbage)

Elle est en principe accessible à l'adresse https://newsletters.artips.fr/Hommes_dechets/

Sinon, faites une recherche sur un moteur de recherche de votre choix avec la requête : Vik Muniz Marat 2008 Pictures of Garbage

 

Comme exemple analytique de la troisième étape de la 1re filière, d'abord une œuvre de 2008 de l'artiste brésilien Vik Muniz (né en 1961). Elle est intitulée Marat parce qu'elle s'inspire de « La mort de Marat », un célèbre tableau de 1793 du peintre David.

Cette œuvre combine deux surfaces traitées très différemment. Au centre, l'artiste a eu l'intention de représenter Marat en peinture monochrome et il a réalisé cette partie de l'œuvre en conséquence. Tout autour, il a eu l'intention de recouvrir la surface de déchets et il a réalisé cette autre partie de l'œuvre en conséquence. Ces deux parties n'ont aucune relation, elles n'ont rien à voir l'une avec l'autre : on est dans la 1re filière.

Ces deux intentions étant réparties sur deux surfaces bien distinctes, il est aisé de les considérer séparément ce qui correspond à une expression analytique.

À la troisième étape et pour la 1re filière, l'effet d'ensemble/autonomie est prépondérant : cette œuvre est l'effet d'ensemble que produisent deux surfaces imbriquées et traitées de façons autonomes. Les autres effets à envisager à cette étape sont l'homogène/hétérogène, le rassemblé/séparé, le synchronisé/incommensurable et le continu/coupé. Ici les deux premiers sont particulièrement concernés : chaque zone est traitée d'une façon homogène mais selon des procédés qui sont hétérogènes l'un pour l'autre, et elles sont rassemblées dans un même tableau tout en étant visuellement clairement séparées. Les deux autres effets ont aussi leur importance : l'apparence de l'œuvre est synchronisée avec l'apparence du tableau de David tout en relevant d'une réalité totalement incommensurable de la sienne, et elle occupe une surface continue tout en étant coupée en deux zones d'aspects très différents.

 

 

 


Gonkar Gyatso : Pokemon Buddha

Source de l'image : http://www.savetibet.org/old-soul-new-art-exhibition-of-tibetan-contemporary-art-at-ict/old-soul-new-art/

 

 

Nous envisageons maintenant le « Pokemon Buddha » de l'artiste tibétain Gonkar Gyatso (né en 1961).

Cette œuvre correspond à l'intention de reproduire la silhouette d'un bouddha, à l'intention de remplir cette silhouette par un quadrillage régulier, et à l'intention d'installer un petit objet à l'intérieur de chacun des carreaux ainsi dessinés, et en conséquence l'artiste a fabriqué ces trois aspects qui n'ont rien à voir les uns avec les autres. Intentions en 1+1 et fabrications en 1+1, on est dans la 1re filière.

Il s'agit d'une expression analytique, puisque l'on peut considérer séparément chacune de ces intentions.

L'effet d'ensemble/autonomie prépondérant à cette étape est clairement lisible : la silhouette quadrillée et la collection d'objets multicolores forment deux trames visuellement très autonomes qui se combinent pour produire l'effet d'ensemble de leur enchevêtrement régulier. L'homogène/hétérogène est également bien représenté : le quadrillage est fait d'un trait homogène qui découpe la surface en quadrillage homogène, tandis que les divers objets colorés que l'on trouve à l'intérieur des cases ont des formes et des couleurs qui sont hétérogènes les unes pour les autres, et qui sont globalement hétérogènes à l'allure discrète du quadrillage dessiné en traits fins uniformément noirs. Ces objets colorés sont visuellement rassemblés dans un même groupe d'objets colorés de tailles similaires, et ils sont séparés les uns des autres par les traits du quadrillage : effet de rassemblé/séparé. On peut aussi repérer un effet de continu/coupé : le quadrillage continu découpe la surface de la silhouette et il découpe aussi le groupe des objets colorés.

 

 

 


Sarah Lucas : Au naturel (1994)

Source de l'image : https://walterpascoli.wordpress.com/2015/05/23/sarah-lucas-art-britannique/

 

 

Comme exemple synthétique de la troisième étape de la 1re filière, l'installation de 1994 intitulée « Au naturel » de l'artiste anglaise Sarah Lucas (née en 1962).

L'une de ses intentions a été d'utiliser des objets ordinaires, matelas et seau, ainsi que divers fruits tout aussi ordinaires. Son autre intention, qui n'a rien à voir avec la précédente, a consisté à les disposer de façon à évoquer le sexe féminin et le sexe masculin afin que l'ensemble prenne un sens symbolique facilement déchiffrable. Puisque ces deux intentions n'ont rien à voir et que la fabrication de cette scène n'a rien à voir non plus avec la destination normale de ces objets et aliments, on est dans la 1re filière.

Puisque l'effet produit s'appuie sur l'incongruité de donner des significations sexuelles à des objets et à des fruits qui n'étaient pas destinés à tenir ce rôle, on ne peut pas saisir le sens symbolique de leur utilisation sans percevoir qu'il s'agit d'objets et de fruits tout à fait ordinaires, et puisque les deux intentions ne sont pas séparables il s'agit d'une expression synthétique.

Chaque objet et chaque fruit correspond à un usage autonome de celui des autres : servir de récipient, servir au couchage, servir de nourriture. Et comme c'est tous ensemble, par leur rassemblement, qu'ils acquièrent un sens symbolique, il s'agit d'un effet d'ensemble/autonomie, celui qui est prépondérant à cette étape. L'effet de synchronisé/incommensurable va de soi puisque l'utilité pratique des éléments utilisés est incommensurable avec l'idée de la rencontre sexuelle d'un homme et d'une femme sur un même lit, et pourtant leur choix et leur disposition sont ici spécialement synchronisés pour évoquer cette idée.

 

 

 


Liu Bolin : photographie de la série « Hiding in the city » (Se cacher dans la ville) commencée en 2005

Source de l'image : https://liubolinstudio.com/2018/02/17/liu-bolin-the-invisible-man-erarta-museum/

 

 

Pour l'expression analytique de la quatrième étape de la 1re filière, d'abord une œuvre de l'artiste chinois Liu Bolin (né en 1973), extraite de la série «  Hiding in the city » (Se cacher dans la ville) qu'il a commencée en 2005. Le principe de cette série consiste à ce qu'il se place à un endroit quelconque et que ses assistants le peignent de façon à le dissimuler plus ou moins complètement à la vue, et une photographie est prise ensuite pour conserver la mémoire de cet effet de disparition visuelle. Dans cet exemple, il s'était placé devant une cabine téléphonique anglaise. L'angle de la prise de vue est légèrement décalé de l'angle optimal de telle sorte que l'on puisse assez facilement le repérer.

À nouveau, comme il convient pour la 1re filière, deux intentions sans rapport l'une avec l'autre. D'abord, l'intention de photographier une vue quelconque, ici une cabine téléphonique anglaise sur un trottoir. Ensuite, l'intention de dissimuler un personnage dans cette vue en peignant sur lui la partie que cache sa présence. Pour chacune de ces intentions l'artiste a fabriqué ce qui était nécessaire pour la satisfaire, d'une part la peinture servant de masque, d'autre part la photographie.

Comme le personnage peint ne masque qu'une petite partie de la scène, on peut considérer séparément l'existence de cette scène et la présence du personnage qui cherche à s'y dissimuler, il s'agit donc d'une expression analytique.

À la quatrième étape de la 1re filière, l'effet plastique prépondérant est l'ouvert/fermé : le personnage peut être perçu incorporé à la paroi de la cabine située derrière lui, enfermé dans cette paroi, ou il peut être perçu dans sa position réelle, c'est-à-dire décalé à l'avant de cette paroi qui s'ouvre alors dans notre imagination pour l'en faire sortir.

Les autres effets propres à la quatrième étape sont le lié/indépendant, le même/différent, l'intérieur/extérieur et l'un/multiple : le personnage peint est visuellement lié à la cabine qu'il a derrière lui mais il en est indépendant puisqu'il est devant elle ; son aspect est le même que celui de la partie de cabine qu'il cache mais en est quelque peu différent, ce qui permet de le distinguer ; il est dissimulé à l'intérieur de la vue de la cabine mais il est aussi devant elle, donc à son extérieur ; enfin, du personnage peint on peut dire qu'il est à la fois un personnage et une partie de l'apparence de la cabine téléphonique, donc à la fois un personnage et deux réalités simultanées, et donc à la fois un et multiple.

 

 

 


Matt Johnson : Breadface (2004)

Source de l'image : https://www.blumandpoe.com/artists/matt-johnson

 

 

Autre exemple analytique pour la quatrième étape, le « Breadface » (Pain/Visage) réalisé en 2004 par l'artiste américain Matt Johnson (né en 1978). Contrairement à son apparence, il ne s'agit pas d'une tranche de pain de mie mais d'une œuvre en plastique moulé et peint.

Deux intentions : la première d'utiliser une tranche de pain de mie et l'artiste a fabriqué son œuvre en conséquence, la seconde de lui donner l'apparence d'un masque humain et l'artiste y a fabriqué des percements pour correspondre à cette autre intention. Laquelle n'a rien à voir avec la première, ce qui place cette œuvre dans la 1re filière.

Il s'agit d'une expression analytique, puisque l'on peut considérer séparément qu'il s'agit d'une tranche de pain et qu'elle a été transformée pour avoir la forme d'un visage.

Cette œuvre combine la forme fermée d'une tranche de pain de mie avec des ouvertures qui lui donnent la forme d'un visage, ce qui correspond à l'effet prépondérant d'ouvert/fermé. On peut aussi dire que la forme qui résulte de ces percements est liée à l'apparence d'un visage humain tout en en étant très indépendante du fait de l'impossibilité d'oublier son apparence de tranches de pain : effet de lié/indépendant. Et pour la même raison elle est à la fois la même que celle d'un visage tout en étant différente : effets de même/différent et d'un/multiple. L'effet d'intérieur/extérieur est lié à la possibilité de projeter imaginairement notre visage à l'intérieur de ce morceau de pain qui nous est normalement extérieur, et aussi à la présence des trous qui font pénétrer l'extérieur à l'intérieur de la tranche.

 

 

 


Peter Coffin : Sculpture Silhouette d'après « L'Extase de Ste-Thérèse » du Bernin (2007)

Source de l'images : https://www.saatchigallery.com/artists/peter_coffin.htm

 

 

AUTRE IMAGE ÉVOQUÉE : Katharina Fritsch : Madone (1982)

Elle est en principe accessible à l'adresse https://www.artnet.com/artists/katharina-fritsch/madonna-madonnenfigur-NYFc_c7_M-H3R1gIiB-GnQ2

Sinon, faites une recherche sur un moteur de recherche de votre choix avec la requête : Katharina Fritsch Madone Madonna Madonnenfigur 1982

 

Comme expressions synthétiques de la quatrième étape de la 1re filière, deux œuvres qui fonctionnent de la même manière. L'une est une statue de « Madone » de 1983 de l'artiste allemande Katharina Fritsch (née en 1956), complètement peinte en jaune, l'autre est une sculpture réduite à une silhouette qui reprend l'apparence de la sculpture bien connue du Bernin représentant « L'Extase de Ste-Thérèse ». Elle est de 2007 et de l'artiste américain Peter Coffin (né en 1972).

Leur fabrication correspond à l'intention de reproduire une statue existante, mais l'artiste a aussi fabriqué chaque fois son œuvre avec l'intention d'uniformiser artificiellement son aspect : uniformité de couleur pour la Madone, uniformité de couleur et d'épaisseur pour la Ste-Thérèse. Ces deux intentions n'ont rien à voir l'une avec l'autre, les deux aspects de chaque œuvre impliqués par ces intentions non plus : on est dans la 1re filière.

Il s'agit d'expressions synthétiques, car on ne peut pas s'imaginer la réalité des statues qui ont servi de modèle sans prendre en compte leur aspect modifié dans l'œuvre proposée.

Dans le cas de la Madone, c'est la couleur jaune très éclatante qui correspond à l'effet d'ouvert/fermé : la lumière rayonne de sa forme fermée. Dans l'autre cas, c'est notre imagination qui reconstitue le volume de la sculpture du Bernin et qui, ce faisant, déplie le volume écrasé par l'effet de silhouette et ouvre ainsi la surface plane dans laquelle il est enfermé. L'effet de lié/indépendant est aussi en cause puisque l'aspect des deux œuvres est lié à l'aspect qu'avaient leurs modèles avant transformation tout en en étant indépendant du fait de ces transformations. L'effet de même/différent et d'un/multiple s'ensuit également : les deux œuvres sont à la fois les mêmes que leurs modèles, et différentes d'eux.

 

 

 


Alex Chinneck : Under the weather but over the moon, Blackfriars Road à Londres (2013)

Source de l'image : https://www.dezeen.com/2013/12/06/alex-chinneck-upside-down-building-london/

 

 

On revient à la cinquième et dernière étape de la 1re filière pour laquelle, au chapitre 12.1.0, on avait déjà envisagé la maison avec des racines de Leandro Erlich et la femme se brodant les jambes de Nicole Tran Ba Vang.

Comme exemple analytique, une nouvelle œuvre d'Alex Chinneck : en 2013, dans une rue de Londres, il a transformé la façade d'un bâtiment destiné à la démolition en un ensemble de deux maisons posées à l'envers, le toit de l'une servant d'ailleurs de plafond à un passage couvert. Il a baptisé cette œuvre « Under the weather but over the moon ».

Deux intentions : la première de fabriquer et installer à l'envers de fausses façades de bâtiments, la seconde de leur donner néanmoins l'aspect de bâtiments normaux, respectant sagement l'alignement de la rue et le style de maisons pouvant se trouver dans cette rue, permettant même à l'une de servir de porche accessible depuis la rue. Ces deux intentions n'ont rien à voir l'une avec l'autre, tout comme les deux aspects des fabrications qui en sont résultés : on est dans la 1re filière.

Il s'agit donc d'une expression analytique, car on peut constater séparément que les façades s'inscrivent comme naturellement dans l'alignement et dans le style de la rue, et d'autre part qu'elles sont installées à l'envers.

À la cinquième étape, l'effet prépondérant de la 1re filière est le ça se suit/sans se suivre. Les autres effets en jeu sont les mêmes qu'à la première étape : le regroupement réussi/raté, le fait/défait, le relié/détaché et le centre/à la périphérie.

Les deux façades suivent l'alignement de leur voisine mais ne suivent pas le sens normal de leur implantation verticale : ça se suit/sans se suivre. Les façades sont bien faites mais leur sens d'implantation est complètement défait par rapport à ce qui serait la normale : fait/défait. Ces façades sont bien reliées physiquement aux maisons voisines mais leur sens anormal d'implantation les fait se détacher visuellement : relié/détaché. Enfin, l'inversion du haut et du bas implique aussi une déstabilisation propre à l'effet du centre/à la périphérie, car la stabilité normalement attendue d'un bâtiment vis-à-vis de la pesanteur est complètement annihilée lorsqu'on se rend compte que ses fondations sont du côté du ciel.

 

 

 


Michel Lamoller : Tautochronos #26 (2018)

Source de l'image : http://www.michel-lamoller.com/index.php/arbeiten/tautochronos-i/

 

 

AUTRE IMAGE ÉVOQUÉE : Nicole Tran Ba Vang, Anne-Claire (2003)

Elle est en principe accessible à l'adresse https://www.tranbavang.com/portfolio/projects/collection-automne-hiver-2003-04-2003/

Sinon, faites une recherche sur un moteur de recherche de votre choix avec la requête : Nicole Tran Ba Vang Anne-Claire 2003 collection-automne hiver 2003-04

 

Comme expressions synthétiques de la cinquième et dernière étape de la 1re filière, une œuvre de l'artiste allemand Michel Lamoller (né en 1984), datée de 2018 et dénommée « Tautochronos #26 », et une œuvre de Nicole Tran Ba Vang, datée de 2003 et intitulée « Anne-Claire ». Elles fonctionnent de la même façon : il s'agit de confondre un personnage avec une paroi de telle sorte que l'on ne sait pas dire s'il est devant celle-ci, dans celle-ci, ou derrière celle-ci, car les différentes parties de la photographie nous donnent des informations contradictoires. Ainsi, si le visage de la femme photographiée par Nicole Tran Ba Vang apparaît clairement comme étant à l'avant de la tapisserie du mur, tout comme ses mains et ses genoux, il n'en va pas de même de son torse, de ses bras, de son ventre et du bas de ses jambes, toutes ces parties semblant situées derrière le dessin de la tapisserie recouvrant le mur et le siège sur lequel elle est assise. Même chose pour l'homme photographié par Michel Lamoller : la partie médiane de sa tête, certaines parties de son bras gauche et de sa main droite semblent à l'avant de la porte vitrée, tout comme son pantalon, mais sa tempe et beaucoup d'autres parties de son corps semblent situées derrière le vitrail.

Deux intentions donc dans chacune de ces œuvres : à chaque fois la première consiste à photographier un personnage réel situé devant une paroi, et la photographie fabriquée par l'artiste correspondant à cette intention, tandis qu'à chaque fois la seconde consiste à donner l'impression que le personnage est à la fois devant et derrière cette paroi, et des trucages photographiques fabriqués par l'artiste correspondant à cette seconde intention.

Comme on ne peut pas constater que les motifs qui recouvrent partiellement le corps des personnages poursuivent exactement les motifs des parois situées derrière eux sans prendre simultanément en compte la surface de ces parois et la présence de ces motifs sur leur corps, il s'agit d'une expression synthétique.

L'effet prépondérant de ça se suit/sans se suivre est particulièrement fort ici : toutes les surfaces des personnages se suivent nécessairement en continu, mais elles ne se suivent pas si l'on se fie aux indications qui laissent croire que certaines parties de leur corps sont devant la paroi tandis que d'autres sont derrière elle. L'effet de regroupement réussi/raté est également en jeu puisque le corps des personnages apparaît regroupé avec la surface de la paroi située à l'arrière tandis que des informations nous disent qu'il n'est pas regroupé avec elle mais qu'il est devant elle. Et l'on peut aussi dire que leur corps est à la fois fait et défait à cause de leur imbrication très anormale avec la paroi, que cette imbrication les relie à cette surface dont ils se détachent aux endroits où ils semblent clairement à l'avant d'elle. Enfin, l'effet du centre/à la périphérie se manifeste par notre déstabilisation face à une telle situation où les personnages sont complètement imbriqués avec une paroi.

 

On remarquera qu'une telle imbrication, à la fois devant et derrière une paroi, est véritablement impossible, comme il était impossible que des bâtiments tiennent à l'envers avec leurs fondations s'appuyant sur le ciel. Mais comme on l'avait dit en introduction, la fonction de cette dernière étape est précisément d'aboutir à l'impression que l'impossible a été réalisé.

 

 

On peut maintenant faire le bilan de l'évolution qui va de la première à la dernière étape de la 1re filière :

Au chapitre de présentation 12.1.0, on avait donc dit que pour que des produits fabriqués résultant d'intentions différentes puissent être mis en relation il faudra que l'impossible apparaisse crédible, c'est-à-dire que l'on puisse croire qu'est parfaitement réussie l'impossible mise en relation de fabrications et d'intentions qui n'ont rien à voir entre elles.

C'était le cas avec la maison fabriquée par Leandro Erlich qui semblait réellement, contre toute logique, avoir des racines, et c'était aussi le cas de la femme photographiée par Nicole Tran Ba Vang qui semblait réellement se broder les jambes. Dans les exemples de la cinquième étape que l'on vient de considérer on retrouve cette même réalisation de l'impossible : deux maisons qui semblent réellement avec leurs fondations en l'air et des personnages dont le corps est mélangé avec une paroi.

À aucun moment, dans chacune des quatre premières étapes de cette filière, on n'a observé de telles circonstances. Les bottes de Lilian Bourgeat de la première étape sont étonnantes mais n'apparaissent pas impossibles à fabriquer, de même pour la cloison anormalement gonflée de Baptiste Debombourg. À la deuxième étape, même chose pour les peintures de Li Songsong ou pour la bétonnière réalisée en dentelle métallique de Wim Delvoye, à la troisième étape pour les compositions picturales de Vik Muniz et de Gonkar Gyatso, ou pour l'installation de Sarah Lucas utilisant des objets et des fruits quotidiens. Toutes ces œuvres sont surprenantes, mais elles n'ont rien d'impossible. Et de même à la quatrième étape pour les peintures sur le corps de Lui Bolin, pour la peinture monochrome d'une statue de Katharina Fritsch, pour la réduction d'une statue à sa silhouette par Peter Coffin, et pour le percement de trous dans une tranche de pain de mie de Matt Johnson.

Ce n'est donc qu'à la cinquième et dernière étape de cette filière qu'une mutation apparaît qui met soudainement en relation, sous la forme d'une réalisation apparemment crédible, des réalités qui nous apparaissent pourtant simultanément impossibles à mettre en relation.

Nécessairement, cette mise en relation s'est progressivement installée pendant les quatre étapes précédentes, mais seuls les effets plastiques qui se sont modifiés d'une étape à l'autre ont permis d'enregistrer que quelque chose se passait, que la quatrième étape n'était pas similaire à la troisième, qui elle-même n'était pas similaire à la deuxième, qui n'était pas non plus similaire à la première. Nous retrouverons le même phénomène dans l'évolution des trois autres filières, ce qui montre que les effets plastiques paradoxaux qui caractérisent chaque étape ont une certaine autonomie d'expression par rapport à l'évolution ontologique, bien qu'ils lui soient étroitement liés comme on l'a montré à maintes reprises dans les chapitres qui traitaient de la période allant depuis la Renaissance jusqu'à la fin du cycle matière/esprit.

 

 

 

12.1.2.  L'évolution de la 2e filière de la phase d’émergence de l'ontologie Produit Fabriqué/intention, filière dans laquelle PF et i sont tous les deux du type 1/x :

 

De la première étape de la 2e filière, on a déjà donné deux exemples à l'occasion du chapitre 12.1.0 : la statue de Willie Cole fabriquée avec des chaussures noires pour l'expression analytique et son explosion de chaussures blanches pour l'expression synthétique.

À cette étape, une expression analytique se repère au fait qu'on peut lire une forme globale « signifiante » fabriquée à partir de multiples produits fabriqués semblables. On dispose ainsi d'une intention globale faite de multiples parties (= 1/x), et de multiples produits fabriqués d'une même sorte (= 1/x). On en a donné de nombreux exemples au chapitre 1.3 de l'introduction auquel on renvoie : les totems réalisés en sacs de golf par Brian Jungen, son masque de corbeau réalisé en morceaux de chaussures Nike, son squelette de baleine réalisé aux morceaux de chaises de jardin, sa carapace de tortue réalisée en poubelles. De Willie Cole, on y avait donné une première « fausse sculpture d'Afrique Noire » réalisée en chaussures ainsi qu'un fauteuil également réalisé en chaussures, tandis que de Kader Attia on avait donné l'exemple de sa ville fabriquée à partir de réfrigérateurs et son moucharabieh réalisé à l'aide de multiples menottes semblables.

 

IMAGE ÉVOQUÉE : Thomas Demand, Poll (2001)

Elle est en principe accessible à l'adresse https://www.artsy.net/artwork/thomas-demand-poll

Sinon, faites une recherche sur un moteur de recherche de votre choix avec la requête : Thomas Demand  Poll 2001

 

Dans leur principe tous ces exemples se ressemblent, et il n'est pas donc utile d'en donner un nouveau basé sur le même principe. Celui que l'on va envisager est différent. Il s'agit de l'œuvre de l'artiste allemand Thomas Demand (né en 1964) réalisée en 2001 et intitulée « Poll », peut-être parce qu'elle représente un ensemble de pupitres qui peuvent servir à réaliser des sondages d'opinion par téléphone. Comme toutes les œuvres de Thomas Demand, elle donne l'impression qu'il s'agit de la photographie d'une scène réelle alors que, en réalité, l'artiste a complètement recomposé cette scène à l'aide de feuilles de papier et de carton découpées et assemblées, puis il a pris son ouvrage en photographie avant de le détruire. Au final, seule une imperceptible uniformité des surfaces permet de deviner qu'il ne s'agit pas d'objets réels mais d'objets reconstitués en carton et papier.

On retrouve le caractère 1/x pour ce qui concerne les produits fabriqués : de multiples faux objets fabriqués avec un seul type de matériau, c'est-à-dire en papier plus ou moins épais. On y trouve aussi le caractère 1/x de l'intention : une seule intention globale, celle de photographier une scène réelle, mais qui se décompose en plusieurs intentions partielles, celle de représenter une scène réelle précise, celle de la reproduire à l'aide d'objets fabriqués en papier, celle de photographier la scène ainsi reconstituée, puis celle de la détruire afin de ne conserver que sa photographie.

Il s'agit d'une expression analytique, car on peut considérer séparément le réalisme de la scène représentée et le fait qu'il s'agit d'une œuvre « de papier ».

À la première étape, et pour la 2e filière, l'effet prépondérant est différent de celui de la 1re filière puisqu'il s'agit du synchronisé/incommensurable, non plus du centre/à la périphérie. Cet effet est évident ici : la réalité évoquée par la photographie est incommensurable avec la nature réelle des faux objets en papier qui ont été utilisés, et pourtant le résultat se synchronise parfaitement avec la photographie qui aurait été celle de la scène réelle.

Les autres effets en jeu sont les mêmes que pour la première étape de la 1re filière : le regroupement réussi/raté, le fait/défait, le relié/détaché, et le centre/à la périphérie : le regroupement effectivement réussi de la scène photographiée avec une scène réelle est simultanément raté puisqu'il s'agit d'une fausse réalité, le fait/défait correspond à la destruction des ouvrages faits par Demand après leur photographie, le relié/détaché est lié au fait que la photographie est reliée à l'aspect la scène réelle tout en en étant détachée puisque ce qui a été pris en photographie n'a rien à voir avec la réalité de la scène évoquée, enfin, l'effet de déstabilisation propre au centre/à la périphérie est dû au fait que nous sommes pris au dépourvu d'être trompés à ce point sur la réalité de la scène.

 

 

IMAGE ÉVOQUÉE : Kader Attia, Sans titre (Parpaings de ciment - 2008)

Elle est en principe accessible à l'adresse https://cabinetofwonderdotorg.files.wordpress.com/2014/02/8ff4f7fa24213ac9d595adb9e033350c.jpg

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Comme exemple d'expression synthétique de la première étape de la 2e deuxième filière, une œuvre sans titre, réalisée en 2008 par Kader Attia, en parpaings de ciment coupés de biais. On peut lui associer son installation de bidons également coupés de biais que l'on avait donnée au chapitre 2.1 et qui date également de 2008.

Ce qui a été fabriqué là, c'est un rond de parpaings rempli de multiples parpaings, ce qui relève du type 1/x, et quant à l'intention globale de faire un rond de parpaings, elle se diffracte en une multitude d'intentions d'incliner chacun de ces parpaings selon une direction qui lui est spécifique, ce qui relève aussi du type 1/x : on est dans la 2e filière.

Il s'agit d'une expression synthétique, car on ne peut pas prendre en compte le fait qu'il s'agit d'un entassement compact de parpaings identiques sans prendre connaissance du fait que, précisément, tous ces parpaings sont identiques malgré leurs orientations différentes.

On retrouve l'effet prépondérant : les parpaings s'orientent vers des directions qui sont incommensu-rables entre elles mais ils parviennent pourtant à se synchroniser parfaitement pour remplir de façon homogène la surface de leur rond. On y retrouve aussi l'effet de regroupement réussi/raté puisque le regroupement des parpaings en un rond compact est réussi, mais que sa compacité est ratée dès lors que chacun se hisse un peu au-dessus de ses voisins et qu'il n'y a aucune continuité de volume dans certaines zones spécialement chahutées. On peut également dire qu'ils sont reliés entre eux puisqu'ils s'entassent les uns sur les autres, et que chacun se détache de ses voisins en se hissant un peu au-dessus d'eux. Enfin, chaque parpaing peut être considéré comme un centre d'intérêt visuel autonome qui est entouré sur toute sa périphérie par des centres visuels semblables, ce qui correspond à l'effet du centre/à la périphérie.

 

 

IMAGE ÉVOQUÉE : Wim Delvoye, Double Helix CC 360 90 (2008)

Elle est en principe accessible à l'adresse https://ru.pinterest.com/pin/325385141826115277/

Sinon, faites une recherche sur un moteur de recherche de votre choix avec la requête : Wim Delvoye Double Helix CC 360 90 2008

 

Pour la deuxième étape de la 2e filière, deux œuvres de Wim Delvoye dont nous avions déjà évoqué sa bétonnière en dentelle pour la 1re filière. Comme exemple analytique, sa « Double Hélice » de 2008 qui enrôle plusieurs statues de Christs en croix, les bras de certaines de ces croix se transformant progressivement en poteaux recevant des corps de Christs.

On a là une fabrication du type 1/x puisqu'elle intègre de multiples statues du Christ. Quant à l'intention de réaliser cet objet uniquement à base de Christs en croix, elle a impliqué de multiples intentions de changer l'orientation du Christ, ce qui correspond là aussi à une intention du type 1/x. Produit fabriqué et intention tous les deux du type 1/x, on est bien dans la 2e filière.

Il s'agit d'une expression analytique dès lors qu'on peut considérer séparément le fait qu'il y a une répétition de figures christiques et le fait que tous ces Christs sont reliés ensemble sur une même forme en double hélice.

À la deuxième étape et pour la 2e filière, l'effet prépondérant est différent de celui de la 1re filière puisqu'il s'agit du ça se suit/sans se suivre et non plus de l'entraîné/retenu. Cet effet est évident ici puisque des Christs se suivent en continu sur cette double hélice sans aller dans la même direction, tandis que ceux qui sont orientés verticalement se suivent sur le même objet mais ne se suivent pas puisqu'ils ont des directions parallèles.

Comme dans la 1re filière, les quatre autres effets sont l'entraîné/retenu, l'effet d'ensemble/autonomie, l'ouvert/fermé, et à nouveau le ça se suit/sans se suivre. L'effet d'entraîné/retenu correspond au dynamisme de la lecture qui nous entraîne à suivre les courbes des hélices, cela par contraste au statisme des Christs verticaux qui bloquent notre regard, qui le retiennent sur leurs formes. L'effet d'ensemble/autonomie est particulièrement présent puisque la double hélice et ses liaisons perpendiculaires sont l'effet d'ensemble que produisent des figures de Christs crucifiés qui ont des directions très autonomes les unes des autres. Enfin l'effet d'ouvert/fermé : la double hélice qui est une figure fermée fait contraste aux poteaux verticaux des croix qui ouvrent cette continuité vers des directions qui restent ouvertes en leurs extrémités. Sans oublier qu'il s'agit d'une sculpture fermée que le regard peut traverser.

 

 

IMAGE ÉVOQUÉE : Wim Delvoye, Daphné & Chloé (counterclockwise)

Elle est en principe accessible à l'adresse https://wimdelvoye.be/work/foundry-works/daphnis-chlo-1/

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Comme exemple synthétique de la deuxième étape de la 2e filière, cette autre statue de Wim Delvoye qui date de 2009 et s'intitule « Daphné & Chloé (counterclockwise) ». Elle représente deux personnages étroitement enlacés, chacun très déformé puisque son corps est quelque peu transformé en hélice. Ensemble, la forme qu'ils génèrent s'apparente à une double hélice.

La statue qui a été fabriquée imbrique deux statues de personnages différents, ce qui relève du type 1/x. L'intention de réaliser cette statue a combiné deux intentions distinctes, celle de déformer les corps pour les enrouler en hélice, et celle de les aplatir selon cet enroulement afin d'en accentuer le dynamisme, ce qui relève aussi du type 1/x. Le type 1/x valant pour les produits fabriqués comme pour les intentions, on est dans la 2e filière.

Comme on ne peut pas lire qu'il s'agit de personnages sans défaire par la pensée l'enroulement en double hélice qui les déforme, il s'agit d'une expression synthétique.

L'effet prépondérant de ça se suit/sans se suivre est facile à lire : les deux personnages s'accolent et se suivent donc dans le sens horizontal, mais chacun suit sa forme en hélice indépendante et ils ne se suivent donc pas dans le sens vertical. De chaque hélice on peut également dire que toutes ses parties se suivent en continu mais qu'elles ne suivent jamais la même direction puisqu'elles ne cessent de s'enrouler. L'effet d'entraîné/retenu correspond au dynamisme de l'enrôlement des formes dans celle d'une double hélice qui s'oppose à la fixité inévitable de la statue. L'effet d'ensemble/autonomie correspond à l'autonomie de chacun des personnages dont les enroulements indépendants produisent ensemble un effet de double hélice. Quant à l'ouvert/fermé, il est lié au contraste entre la lecture continue suivant les hélices dont le trajet visuel est donc ouvert, et le blocage des deux formes l'une contre l'autre dans le sens horizontal, un sens dans lequel le trajet visuel est fermé puisqu'il est bloqué.

 

 

De la troisième étape de la 2e filière, nous avons déjà donné quelques exemples au chapitre 1.3 auquel il est renvoyé pour les images correspondantes. Comme pour la première étape, elles ont toutes des formes d'ensemble significatives réalisées au moyen de produits fabriqués industriels qui n'ont rien à voir avec la nature de ces formes d'ensemble. C'est ainsi que l'on a vu le champignon atomique et l'énorme tête de mort fabriqués par Subodh Gupta à l'aide d'instruments de cuisine, les nuages fabriqués par Tara Donovan avec des gobelets en plastique, le portrait de Marilyn Monroe par Andy Warhol reconstitué par Cameron Gray à l'aide d'une mosaïque de petites photographies, et enfin la gorgone que Vik Muniz a réalisée à l'aide de spaghettis à la tomate. Dans tous les cas, il s'agit d'une fabrication globale de l'artiste nécessitant l'imbrication de multiples produits fabriqués, la plupart industriels, ce qui relève du type 1/x. L'intention de fabriquer cet ouvrage global est elle-même diffractée en de multiples intentions (type 1/x) qui correspondent chaque fois à l'intention d'utiliser tel ou tel type de produit fabriqué, et chaque fois avec l'intention de placer chacun à un emplacement spécialement convenable pour qu'ils produisent ensemble l'effet global recherché.

Tous les exemples que l'on vient de citer relèvent d'une expression analytique puisque l'on peut chaque fois considérer séparément la forme d'ensemble et le type de matériau utilisé pour produire cette forme. Répondant au même principe, on envisage maintenant un nouvel exemple analytique, celui du « Shambhala of Modern Times » réalisé en 2009 par Gonkar Gyatso dont on a déjà vu le « Pokemon Bouddha ». Dans cette œuvre-ci, l'auréole du Bouddha est réalisée par le collage d'une multitude de petites images, correspondant très souvent à des sigles publicitaires.

 


 


 

Gonkar Gyatso : Shambhala of Modern Times (2009 - vue d'ensemble et détail)

Source de l'image : http://www.tagfinearts.com/gonkar-gyatso/shambala-of-modern-times.html

 

 

Avec cette silhouette d'une tête du Bouddha entourée d'une auréole et divisée en quatre secteurs par des barres blanches, on a affaire à une figure unique divisée en quatre parties bien distinctes, remplie par le quadrillage de multiples caractères d'écriture pour ce qui concerne la silhouette, et fabriquée avec une multitude de petites formes collées pour ce qui concerne l'auréole, ce qui en fait certainement une fabrication du type 1/x. L'intention globale de réaliser cette image se décompose également en plusieurs intentions, celle de dessiner une silhouette du Bouddha, celle de la remplir d'un quadrillage de caractères d'écriture, celle de l'entourer d'une auréole, celle de réaliser cette auréole au moyen de très petits dessins collés, celle de saupoudrer l'extérieur de l'auréole de tels dessins en moindre densité, et celle de diviser l'image en quatre secteurs.

À la troisième étape de la 2e filière, l'effet prépondérant est différent de celui de la 1re filière puisqu'il s'agit de l'homogène/hétérogène, non plus de l'effet d'ensemble/autonomie : à petite échelle, chaque petite vignette de l'auréole s'affirme très hétérogène d'aspect par rapport à ses voisines tandis que, à grande échelle, toutes se fondent visuellement dans une trame homogène qui varie régulièrement de densité. À l'intérieur de la silhouette de la tête, cette fois on a affaire à la répétition très régulière, et donc très homogène, de caractères d'écriture, chacun s'affirmant comme une hétérogénéité locale contrastant avec le gris clair de leur fond. Par ailleurs, l'homogénéité globale de cette trame de caractères fait un contraste hétérogène avec la grille dessinée dans laquelle ils s'insèrent et qui est également tracée de façon homogène.

Les quatre autres effets sont similaires à ceux de la 1re filière, à nouveau l'homogène/hétérogène, puis le rassemblé/séparé, le synchronisé/incommensurable et le continu/coupé. Ici, on peut spécialement évoquer le rassemblé/séparé puisque toutes les petites vignettes séparément visibles sont rassemblées dans une même forme d'ensemble, et aussi le synchronisé/incommensurable puisque toutes ces vignettes ont des formes et des directions incommensurables les unes pour les autres alors qu'elles savent se synchroniser dans une même forme d'ensemble bien régulière.

 

 

IMAGE ÉVOQUÉE : Vincent Ganivet, Entrevous (2010)

Elle est en principe accessible à l'adresse http://territoiredessens.blogspot.com/2011/05/vincent-ganivet.html

Sinon, faites une recherche sur un moteur de recherche de votre choix avec la requête : Vincent Ganivet Entrevous 2010

 

Autre exemple analytique, une œuvre très différente de l'artiste français Vincent Ganivet (né en 1976), qu'il réalisa en 2010 et qu'il a intitulé « Entrevous ». Il s'agit de grandes arches réalisées par des empilements de parpaings de ciment, parfois ajustés entre eux par des cales en bois et tenus ensemble au moyen de grandes sangles. Aucun mortier n'étant là pour solidariser les parpaings, c'est seulement la tension des sangles qui permet que les arches ne s'effondrent pas.

Ces arches ont donc été fabriquées au moyen de multiples objets fabriqués industriellement, ce qui implique le type 1/x, et l'intention globale de réaliser ces arches regroupe aussi plusieurs intentions, celle de les diriger vers de multiples directions, et celle d'avoir recours à de multiples mises en œuvre correspondant chaque fois aux divers matériaux utilisés, parpaings, cales en bois et sangles, ce qui relève donc aussi du type 1/x.

Il s'agit d'une expression analytique, puisque l'on peut considérer séparément la forme d'ensemble des arches et les matériaux utilisés pour les fabriquer et assurer leur stabilité.

L'effet d'homogène/hétérogène s'impose comme effet prépondérant puisque les arches sont le résultat de l'assemblage de plusieurs matériaux hétérogènes entre eux, mais que chacun est traité de façon homogène tout au long de chaque arche et que toutes les arches sont composées de façons semblables, et donc de façons homogènes. Les arches rassemblent des parpaings qui restent séparés entre eux (effet de rassemblé/séparé), elles sont le résultat de la synchronisation de matériaux incommensurables entre eux pour ce qui concerne leurs propriétés physiques, les uns travaillant à la compression et les autres en tension (effet de synchronisé/incommensurable). Enfin, on peut dire que chaque arche est à la fois continue et découpée en multiples parpaings (effet de continu/coupé), et aussi que chacun des trépieds ainsi formés a une structure continue dont la ligne est coupée à l'endroit de la rencontre des différents arcs qui le constituent (à nouveau effet de continu/coupé).

 

 

IMAGE ÉVOQUÉE : Fabienne Verdier, Poème d'adieu au monde (2011)

Elle est en principe accessible à l'adresse https://fabienneverdier.com/db/painting/homage-to-japan/

Sinon, faites une recherche sur un moteur de recherche de votre choix avec la requête : Fabienne Verdier Poème d'adieu au monde 2011 A farewell poem to the world Homage to Japan in the wake of the tsunami of 11 March 2011 at 2 :46pm

 

Comme exemple d'expression synthétique de la troisième étape de la 2e filière, l'œuvre de 2011 de l'artiste française Fabienne Verdier (née en 1962) qu'elle a intitulée « Poème d'adieu au monde », à titre d'hommage au Japon après le tsunami du 11 mars 2011. C'est une vaste peinture de plus de 6 m de long, réalisée à l'aide d'un énorme pinceau fabriqué à l'aide de queues de chevaux.

Sur un fond coloré en vert, le pinceau a laissé plusieurs suites de méandres de couleur blanche. L'ensemble de l'œuvre a été fabriqué au moyen de multiples méandres se contorsionnant de façons similaires (PF de type 1/x) tandis que l'intention de produire une œuvre ondulante de densité uniforme a impliqué de multiples intentions différentes quant à la direction à prendre pour conduire le pinceau dans ses multiples ondulations (i de type 1/x).

Il s'agit d'une expression synthétique, car on ne peut pas constater qu'il s'agit d'une suite continue de méandres sans faire l'expérience de toutes ses formes afin de constater que ce qui les distingue les unes des autres n'empêche pas la continuité et la répétitivité de leurs ondulations.

L'effet d'homogène/hétérogène est bien lisible : le fond de l'œuvre est d'une couleur uniforme tandis que le blanc des méandres est hétérogène d'un endroit à l'autre, et de façon homogène chaque bande de méandres a la forme d'une suite de méandres très hétérogènes entre eux pour ce qui concerne leur courbure et leur densité de peinture. On peut également dire que les méandres séparés sont rassemblés dans une même bande (effet de rassemblé/séparé), que chaque bande est continue mais coupée en de multiples méandres (effet de continu/coupé), et que toutes ces courbes, bien que se dirigeant vers des directions incommensurables entre elles, parviennent pourtant à se synchroniser pour produire une œuvre d'ensemble où elles ne se recoupent pas et savent se tenir à distance régulière les unes des autres (effet de synchronisé/incommensurable).

 

 

De la quatrième étape de la 2e filière et dans une expression analytique, on a déjà donné au chapitre 1.3 deux œuvres de Joana Vasconcelos : sa chaussure à haut talon fabriquée à l'aide de casseroles et de faitouts, et son lustre réalisé en tampons hygiéniques.

 




 

 

Peter Coffin Source : https://www.booooooom.com/2010/09/16/artist-peter-coffin/

 

Takashi Kuribayashi : Trees (2015) Source :
https://i.pinimg.com/originals/6b/60/81
/6b6081137e3603c30218eedce47ae5a8.jpg

 

Xavier Mascaró : Nubian Head (2017)Source : https://xaviermascaro.com/index.php/en/works/

 

 

AUTRE IMAGE ÉVOQUÉE : Hans Hemmert, German Panther (2007)

Elle est en principe accessible à l'adresse https://publicdelivery.org/hans-hemmert-german-panther/

Sinon, faites une recherche sur un moteur de recherche de votre choix avec la requête : Hans Hemmert German Panther 2007

 

Pour montrer la généralité du procédé, on donne quelques autres exemples fabriqués de façon similaire. De l'allemand Hans Hemmert (né en 1960), le blindé réalisé en 2007 à l'aide de ballons et qu'il a intitulé « German Panther ». De l'espagnol Xavier Mascaró (né en 1965), la tête réalisée en 2017 à l'aide d'anneaux métalliques et qu'il a intitulée « Nubian Head ». De l'américain Peter Coffin, une spirale réalisée en assemblant les arcs-en-ciel représentés sur de multiples cartes postales. Enfin, du japonais Takashi Kuribayashi (né en 1968), une installation de 2015 intitulée « Trees » fabriquée à l'aide de morceaux de branches enfermées dans des boites transparentes et dont la section, l'allure et la disposition, sont choisies pour globalement suggérer la forme d'un arbre.

À chaque fois l'œuvre fabriquée par l'artiste rassemble une multitude de produits fabriqués équivalents (type 1/x), et chaque fois l'intention correspondante est lisible dans une forme globale tout en se réfractant en une multitude d'intentions individuelles destinées à placer chacune de ses parties à la bonne position (type 1/x). Le caractère interchangeable des produits fabriqués implique que n'est pas encore établie une relation individuelle spécifique entre chaque fabrication et chaque intention, et il est spécialement illustré par l'arbre de Takashi Kuribayashi : dans ses boîtes, ce sont systématiquement des morceaux de branches qui sont enfermés, ainsi que le révèle la présence de feuilles sur les morceaux situés en position de racines, alors que celles-ci ne sont pas supposées porter de feuilles. Un morceau de l'arbre n'est donc pas encore en relation avec l'intention précise correspondant à sa position individuelle comme ce sera le cas à la dernière étape, seulement en relation avec l'intention de participer à la forme générale de l'arbre, ce qui est une intention collective et non ciblée individuellement.

Il s'agit toujours d'expressions analytiques puisque l'on peut chaque fois considérer séparément la forme d'ensemble et les objets individuels utilisés pour construire cette forme.

À la quatrième étape de la 2e filière l'effet prépondérant est différent de celui de la 1re filière puisqu'il s'agit du rassemblé/séparé et non plus de l'ouvert/fermé : tous les exemples que l'on vient d'évoquer rassemblent dans une forme globale des formes élémentaires que l'on peut parfaitement séparer dans notre perception.

Les quatre autres effets sont similaires à ceux de la 1re filière : le lié/indépendant, le même/différent, l'intérieur/extérieur, et l'un/multiple. Pour ce qui concerne le lié/indépendant, il est clair que chaque partie de ces œuvres est repérable individuellement, donc indépendamment des autres, et que simultanément elles sont liées entre elles par la forme globale à laquelle elles concourent. L'effet d'intérieur/extérieur utilise la même disposition : l'extérieur de chaque forme est bien repérable à l'intérieur de la forme d'ensemble. Dans le cas de l'arbre de Takashi Kuribayashi, l'extérieur de chacun de ses tronçons est en outre enfermé à l'intérieur d'une boîte. L'effet d'un/multiple va de soi pour des œuvres de la 2e filière qui relèvent complètement du type 1/x, et il est aussi facile d'y repérer des effets de même/différent : à chaque fois différentes formes du même type, d'ailleurs parfois différentes entre elles pour ce qui concerne la couleur ou le détail, sont utilisées pour former ensemble une même œuvre.

 

 

 


Paola Pivi : Nice Ball

Source de l'image : https://www.designboom.com/design/paola-pivi-vitra-miniatures-lamp/

 

 

Comme expression synthétique de la quatrième étape de la 2e filière, la lampe « Nice Ball » fabriquée par l'artiste italienne Paola Pivi (née en 1971) en assemblant en boule des modèles miniatures de chaises et de tables éditées par la firme Vitra.

De multiples objets fabriqués de même nature pour fabriquer une même lampe, cela relève du type 1/x. Tout comme l'intention de fabriquer cette lampe est du type 1/x puisqu'elle a englobé de multiples intentions partielles concernant le choix et la position de ces multiples objets afin qu'ils se regroupent selon une densité uniforme.

Il s'agit d'une expression synthétique, car on ne peut pas repérer l'intention de donner à cette lampe une allure de boule sans surmonter ses irrégularités qui résultent des très fortes différences de forme et de couleur des différents objets qui la composent.

L'effet prépondérant de rassemblé/séparé va de soi : la lampe rassemble de multiples objets bien séparés visuellement. Cette disposition vaut aussi pour l'effet de lié/indépendant puisque ces objets indépendants sont liés dans une même forme globale, pour l'intérieur/extérieur puisque l'extérieur de chaque objet est bien repérable à l'intérieur de la forme en boule, et pour l'un/multiple puisque cette unique boule se divise en multiples objets, lesquels sont d'ailleurs tous des répliques miniatures de produits édités par la firme Vitra, et donc de multiples produits d'une seule firme. Enfin, il est également facile de lire des effets de même/différent : différents objets s'assemblent dans une même forme, et malgré leurs différences d'aspect et d'usage ils ont été édités par une même firme.

 

 

On revient à la cinquième et dernière étape de la 2e filière.

Au chapitre 12.1.0 on a donné l'exemple de la Whirlpool Table d'Alex Chinneck et celui de l'installation de Leandro Erlich permettant de se voir dans un miroir en train de se suspendre à une façade. On avait alors indiqué que le principe de la dernière étape de cette filière était d'établir une relation particulière entre chaque produit fabriqué et une intention spécifique, non plus seulement une relation collective des produits fabriqués à une intention globale. C'est ce même principe que nous allons retrouver dans les nouveaux exemples que l'on va envisager.

 


Pref : lettering sur une façade

Source de l'image :
https://www.drips.fr/latelier-
typographique-de-pref/

 

 

Comme exemple d'expression analytique de la dernière étape de la 2e filière, une œuvre du street-artiste britannique Pref (je suppose qu'il est né vers 1975) spécialisé dans le lettering.

Dans cet exemple, une ondulation de lettres blanches et bleues forme la phrase : « THE VERY BEST IS YET TO COME » (LE MIEUX EST ENCORE DE/À VENIR). Cette ondulation continue a été fabriquée au moyen de multiples vagues, celles montantes peintes en blanc, celles descendantes peintes en bleu, ce qui en fait donc une fabrication du type 1/x. Quant à l'intention, elle a consisté à nous faire lire une phrase comportant de multiples mots, chacun correspondant à une intention particulière concernant sa pente et sa hauteur, ce qui relève donc d'une intention du type 1/x. Type 1/x pour le produit fabriqué comme pour l'intention, on est dans la 2e filière.

Chaque vague de cette ondulation se voit attribuer un mot particulier, et par différence avec ce que l'on a vu aux étapes antérieures de cette filière les multiples vagues ne sont pas interchangeables, car chacune se voit assigner un mot particulier qui ne peut pas être échangé avec celui d'une autre vague sans que la phrase devienne incompréhensible. On retrouve donc bien ici le principe de la dernière étape de la 2e filière : collectivement, et comme à chacune des étapes précédentes, le produit fabriqué global est en relation globale avec l'intention globale, mais à cette étape, chacun des 1/x produits fabriqués est en outre spécialement et exclusivement lié à l'une des 1/x intentions.

Il s'agit d'une expression analytique, puisque l'on peut considérer séparément la forme d'ondulation qui a été peinte et le message qu'elle porte.

À la dernière étape de la 2e filière, l'effet prépondérant est différent de celui de la 1re filière puisqu'il s'agit du synchronisé/incommensurable et non plus du ça se suit/sans se suivre. Ici, nous avons affaire à une synchronisation par coïncidence exacte l'une sur l'autre de deux réalités qui sont incommensurables, celle purement visuelle d'une forme ondulante, et celle d'une phrase qui relève du langage parlé.

Les autres effets sont similaires dans toutes les filières : le regroupement réussi/raté, le fait/défait, le relié/détaché, le centre/à la périphérie. Les trois premiers sont spécialement représentés, tous grâce à l'inversion, à chaque ondulation, du côté qui porte le message, un coup le côté supérieur blanc de la vague, le coup suivant le côté inférieur bleu. C'est ainsi que l'ensemble du message est regroupé dans une phrase continue mais que ce regroupement est raté puisque toutes ses parties ne sont pas du même côté de l'ondulation, que la continuité de cette phrase est faite mais qu'elle est défaite par ces constants changements de côté, enfin que tous les mots sont reliés ensemble dans une même phrase et dans une même ondulation qui les réunissent, mais qu'ils sont détachés les uns des autres par des changements de côté qui les détachent physiquement et par des changements de couleur qui les détachent visuellement. Chaque mot est mis en valeur par une couleur, une pente et une hauteur différentes de celles du mot voisin, ce qui en fait un centre d'intérêt visuel remarquable entouré de chaque côté, et donc sur toute sa périphérie, de centres visuels semblables, ce qui correspond à un effet de centre/à la périphérie.

 

 

 


Xu Qu : Cronus - Payne’s Grey (2013)

Source de l'image : https://paddle8.com/work/xu-qu/23734-cronus-paynes-grey

 

 

Comme expression synthétique de la cinquième étape de la 2e filière, le « Cronus - Payne’s Grey » peint en 2013 par l'artiste chinois Xu Qu dont avait considéré au chapitre 12.1.0 le labyrinthe rouge et vert relevant de la 3e filière. Dans cette œuvre où deux personnages sont assis face à face, la couleur du fond se dégrade du sombre au clair dans le sens inverse de la dégradation de leur silhouette, si bien que le haut de leur corps ressort en clair sur un fond sombre et que le bas de leur corps ressort en sombre sur un fond clair.

L'artiste a fabriqué deux silhouettes symétriques pour réaliser son œuvre, ce qui relève du type 1/x. Son intention plastique se divise en deux intentions identiques mais croisées : si l'on raisonne de haut en bas, dégrader du foncé vers le clair pour le fond et dégrader du clair vers le foncé pour les silhouettes. Le type 1/x pour le produit fabriqué comme pour l'intention, on est dans la 2e filière.

Il s'agit d'une expression synthétique, car on ne peut pas considérer l'effet lié à l'inversion des dégradés sans considérer l'évolution du coloris sur le fond et simultanément sur les silhouettes.

L'identité de leur dégradé met en relation de similitude les deux silhouettes l'une avec l'autre, et l'inversion du sens du dégradé les met en relation de contraste avec le fond qui les rassemble. Cet effet de dégradé met spécifiquement en relation les parties hautes des personnages puisqu'elles sont claires toutes les deux, il met spécifiquement en relation leurs parties basses puisqu'elles sont foncées toutes les deux, et il met chacune de ces parties en relation avec l'ensemble du fond puisqu'il présente, comme elles, une couleur en dégradé. Par différence aux étapes précédentes les différentes parties de l'œuvre ne sont plus interchangeables, et chaque partie de silhouette fabriquée par l'artiste est maintenant en relation spécifique avec l'une des deux intentions, soit celle d'un dégradé s'éclaircissant, soit celle d'un dégradé s'assombrissant : on retrouve les caractéristiques propres à la dernière étape de la phase d'émergence dans sa 2e filière.

L'inversion régulière et synchronisée du dégradé est incommensurable pour notre perception, car pour l'apprécier il faut lire en même temps de bas en haut et de haut en bas, ce qui nous est impossible : effet de synchronisé/incommensurable, prépondérant à cette étape. Toute l'œuvre est regroupée dans un effet de dégradé, mais ce regroupement est raté puisque les différentes parties se séparent du fait des sens inverses de leurs dégradés : effet de regroupement réussi/raté. L'éclaircissement du dégradé qui se fait dans un sens se défait dans l'autre, et inversement : effet de fait/défait. Le dégradé relie en continu toute la surface tandis que l'inversion du sens du dégradé permet aux silhouettes de se détacher visuellement sur le fond de l'œuvre : relié/détaché. Enfin, l'effet du centre/à la périphérie est lié au fait que nous ne savons jamais si un sens de lecture implique un dégradé éclaircissant ou un dégradé inverse, ce qui nous déstabilise.

 

 

On peut faire maintenant le point sur l'évolution en cinq étapes de la 2e filière :

Comme pour la 1re, on ne décèle aucune évolution sensible dans l'organisation des œuvres, sauf à la dernière étape. Ainsi, la lampe sphérique de Paola Pivi de la quatrième étape a une organisation d'ensemble assez similaire à l'explosion de chaussures de Willie Cole que l'on a donnée pour illustrer la première étape. Également, la chaussure à haut talon de Jonathan Vasconcelos fabriquée à l'aide de casseroles et de faitouts, tout comme le char d'assaut d'Hans Hemmert fabriqué à l'aide de ballons, relevant tous deux de la quatrième étape, ne sont pas différents, dans leur principe d'organisation, des fausses statues d'Afrique Noire fabriquées par Willie Cole à l'aide de chaussures qui relèvent de la première étape, ni différents du champignon atomique et de la tête de mort fabriqués par Subodh Gupta qui relèvent de la troisième. En particulier, les différents produits fabriqués y apparaissent toujours plus ou moins interchangeables, souvent dans la totalité de l'œuvre, parfois seulement à l'intérieur d'un groupe partiel de produits.

Il n'y a donc qu'à la cinquième et dernière étape qu'apparaît brusquement la mise en relation individuelle de chaque produit fabriqué précis avec l'une des intentions précises participant à l'intention globale qui est à l'origine de l'œuvre.

 

Comme pour la 1re filière, et comme il en ira pour les deux autres, seule l'évolution des effets plastiques permet de décomposer les œuvres envisagées en étapes successives.

À ce sujet, il faut souligner que l'attribution d'une œuvre à telle ou telle étape ne peut pas se faire en considérant isolément cette œuvre car, s'agissant d'effets paradoxaux qui jouent sur l'ambiguïté, avec un peu de mauvaise foi on peut repérer n'importe quel effet plastique dans n'importe quelle œuvre. C'est seulement l'analyse d'ensemble de la production d'un artiste qui permet de le classer plutôt à telle étape qu'à telle autre, une analyse d'ensemble qui permet notamment d'écarter les effets qui n'apparaissent dans une œuvre particulière que pour des raisons de hasard et que l'on ne retrouve donc pas dans les autres œuvres de cet artiste. Pour des raisons de longueur, on a évidemment dispensé le lecteur de toutes les raisons qui amènent à classer tel ou tel artiste à telle ou telle étape, mais l'utilisation occasionnelle d'œuvres d'un même artiste dans plusieurs filières permet de palier partiellement cette insuffisance de justification.

 

> Suite du Chapitre 12